Les étudiants de l'université d'État Valery Brusov étaient dans la rue hier, 12 octobre, pour s'opposer à la fermeture pressentie du plus prestigieux établissement d'enseignement supérieur d'Erevan.
Par Lusine Abgaryan
Il y a quelques semaines à l'occasion de la rentrée scolaire, le Premier ministre Nikol Pashinyan annonçait un train de "réformes" dans le domaine universitaire, prévoyant notamment la réduction à huit établissements, soit la moitié, des seize universités d'État officiant actuellement en Arménie.
Ce souhait "politique" de fusion des universités est resté en suspens pendant un mois, alors que se jouait en sourdine au sein du ministère de l’Éducation, une véritable "machination", la préparation de la première phase du projet de fusion de certaines universités, en l'absence de toute communication envers les premiers concernés par cette décision éventuelle, les universités elles-mêmes:
Le 11 octobre s’est tenue la réunion du conseil d'administration de l’Université Brusov. Le mandat de la rectrice par intérim, Karine Harutyunyan, arrive à son terme en janvier 2023. Lors de cette réunion, les représentants du gouvernement ont exhorté le conseil à retirer cette question de l’ordre du jour, annonçant que l’université serait fusionnée, et en d'autres termes, traduits par les responsables de l'université comme appelée à disparaitre.
Hier, 12 octobre aux premières heures de la matinée, les étudiants sont sortis des classes et ont attendu la rectrice Karine Harutyunyan dans la cour de l'université. Elle leur a annoncé, selon des informations qu'elle tient pour exactes, le projet de fusion de trois établissements, Khatchatur Abovyan, l’université Pédagogique, l’Institut d'État de la culture physique et des sports avec celui de la prestigieuse université d’État Valery Brusov.
Au nom de tout son personnel et de ses étudiants, l'université entend saisir le ministère de l’Éducation (de la science, de la culture et des sports), ainsi que le président du conseil d'administration de Brusov, qui n'est autre que le vice-premier ministre, Hambardzum Matevosyan, afin de tenter de discuter du projet avec eux. La rectrice a ajouté que l’université, les 600 personnes qu'elle emploie et les 4500 étudiants qu'elle forme encore cette année, s'opposent fermement à toute fusion, quel qu'en soit le scénario, de ces trois universités à visées et programmes radicalement différents.
Dans la logique du gouvernement, la linguistique, les sciences humaines et sociales et la communication interculturelle qui constituent traditionnellement les piliers de l'enseignement et la renommée de l'université Brusov, pourraient être associés aux programmes de l’Institut de la culture physique et du sport et à ceux de l'université de Pédagogie. «10 % des programmes éducatifs dispensés à Brusov uniquement se réfèrent à la pédagogie, et aucun ne concerne l’éducation physique. Ce que nous souhaitons, c’est de voir venir à nous les représentants du ministère concerné, ceux qui ont pris cette décision sans nous avertir, et les amener à discuter avec les étudiants et le corps enseignant de leur décision. Nous invitons le ministre en personne à venir discuter avec nous », a réclamé Sahak Manoukyan, vice-recteur de l’université.
Pour rappel historique, l’université d’État Valery Brusov a 87 ans. Fondée en 1935, cette université a posé les jalons, défini et institué les méthodes d'enseignement des langues étrangères en Arménie. Formant plusieurs générations de linguistes, et plus tard de nombreux experts de haut-niveau des métiers des sciences humaines, Brusov a toujours représenté une université d'excellence et tenu une place à part parmi les autres établissements de l’enseignement supérieur de la république arménienne, Dès 1963, l'université a adopté une politique de multilinguisme, introduisant dans ses cursus une deuxième langue étrangère, puis une troisième, à partir de 2017, élargissant ainsi la possibilité de se former leur pratique, à la fois en classe et dans des systèmes d'éducation non formelle.
Depuis 1962, forte de sa longue expérience en la matière, Brusov continue de coordonner les activités des plus grands scientifiques mondiaux dans diverses spécialités. Le Musée Brusov avec sa riche collection, est aujourd'hui la première organisation en Arménie à coopérer avec l'Institut culturel Google et la seule dont les collections virtuelles sont disponibles sur sa plateforme numérique "Arts and Culture".
Enfin, ce fleuron de l'enseignement universitaire en Arménie a conclu de nombreux accords de partenariats internationaux avec plusieurs universités européennes et propose des filières co-diplômantes de niveau master et doctorat. Une trentaine de langues y sont enseignées.