Une fenêtre pour Gumri

Opinions
25.02.2020

A la veille des fêtes de Noel, Astrig Marandjian, co-fondatrice de la Fondation Miassine, lancait un appel dans les réseaux sociaux intitulé « Une fenêtre comme cadeau de Noël ». Il s’agissait de changer les fenêtres de l’école N 10 de Gumri. Le Courrier d’Erevan s’est intéressé à ce projet et a demandé à Mme Marandjian d’expliquer les raisons et les motivations de cette action.  

- Vous avez lancé un financement participatif sur les réseaux sociaux. Pourquoi ce choix et où vous en êtes ?

A.M. Au départ, c’est vrai que ce fut un cri du cœur, comme on en a souvent quand on se rend en Arménie. Je me suis sentie concernée. En tant qu’ancienne élève, mais aussi spectatrice des efforts déployés pour la reconstruction de la ville et, plus particulièrement, de l’école. Par ailleurs, c’est la vocation de notre fondation Miassine de mobiliser des énergies pour construire un monde meilleur, plus juste, plus équitable. Et les réseaux sociaux sont d’excellents moyens pour y parvenir. Nos amis, mais aussi des inconnus des Etats Unis, de France, d’Arménie ont contribué selon leurs moyens et on a récolté 2 500 euros en un mois. A partir du premier février 2020, pour donner un nouvel élan, Miassine doublera chaque don individuel. Il est urgent de changer certaines fenêtres pour une meilleure isolation et poser un chauffage correct pour que les 200 élèves de l'école (qui restent des 600 auparavant…) puissent étudier dans des conditions correctes.

- Cela veut dire que nos lecteurs peuvent encore contribuer ?

A.M. Bien sûr et ils sont les bienvenus. On offre la plateforme sur Facebook, sur la page Miassine, mais aussi par le biais de l’association française SPFA, qui peut livrer un CERFA pour ceux qui en ont besoin pour déduire leur don de leurs impôts. Elle n’est pas à négliger cet avantage que les contribuables français ont vis à vis à la solidarité internationale.

Nous allons solliciter également le soutien du gouvernement arménien qui encourage ce partenariat public – privé, d’autres acteurs sur le terrain, car le budget total s’élève à 21 000 euros.

- Pourquoi cette école s’appelle une école francophone ?

A.M. Malgré la francophilie existante auprès de la population arménienne, peu d’écoles proposent l’enseignement approfondi du français. Il y en a deux à Erevan et une à Gumri, et c’est justement l’école N 10. Quand la reconstruction de notre école a démarré, en 1997, son directeur M. Martin Pachayan, lui-même francophone, favorisait énormément le maintien de liens forts entre la France et l’école qui proposait notamment des programmes d’échange avec la France permettant aux élèves arméniens de se rendre en France et de découvrir encore plus de choses sur la culture et la langue française. C’est un atout énorme car, on le sait, la pratique et l’immersion sont des facteurs favorables à l’apprentissage d’une langue étrangère. L’école proposait également des « cours bilingues » où toutes les matières scolaires étaient dispensées en langue française. Ainsi, les élèves de l’école n°10 terminaient le cursus avec un très bon niveau en français, et se faisaient remarquer plus tard à l’Université.

- Votre attachement à Gumri date de quand ? 

A.M. Je suis née à Gumri, et j’y étais le 7 décembre 1988, au moment du tremblement de terre qui s’est écroulée devant nous, ou,  plus exactement, avec nous. J’avais 12 ans à l’époque, et à partir de ce moment-là, ma vie a continué à Erevan, mais je suis restée attachée à ma ville natale tout au long des années. Lorsque j’étais la directrice de SPFA Arménie, notre collaboration avec l’école française de Gumri était très étroite pour promouvoir la francophonie à travers le club des jeunes. Et surtout, en 1989, avec 40 enfants de Gumri et accompagnée par le directeur de l’école Martin Pachayan, je suis partie à Paris pour les vacances d’été, où j’ai rencontré ma marraine de cœur, Anaïs, aujourd'hui cofondatrice de Miassine. Ce fut un tournant dans mon parcours personnel et professionnel. Quelque part, Gumri est partout avec moi, c’est mon « concentré de résilience », une de mes philosophies de la vie. Pour se guérir de traumatisme, il faut en faire une raison d’être.

- Quels sont les autres projets que vous réalisez à Gumri ?

A.M. Tous nos projets sont ciblés sur le développement de la jeunesse sous différents angles, que cela soit dans le social, la culture ou le sport. Dans le social, nous sommes à l’origine de la boulangerie solidaire Bon Appétit, rue Njdehi,à Gumri, sous le regard bienveillant de Charles Aznavour. Le but de ce projet est de former des apprentis des milieux défavorisés et de faire du pain et une viennoiserie française de qualité. Dans le même sens, nous avons également un programme d’intégration des jeunes à travers l’apprentissage pour les aider à s’orienter dans leur choix de métier. Il s’agit d’organiser des visites dans les entreprises et faire le lien entre l’apprenti et l’employeur. Côté culture, nous soutenons les jeunes virtuoses qui sont dans la plupart de cas de Gumri qui, au printemps, seront nos invités en France et en Suisse pour une tournée de 10 jours. Côté sport, un nouveau projet en préparation : initier les enfants de 10 à 12 ans de trois écoles de Gumri au ski de fond en leur offrant tous les matériels nécessaires (habits et skis) et la logistique (transport et repas) pour s’attacher à la nature et aux sports d’hiver.   

- Merci et bonne chance pour tous ces projets.