Dans le cadre des commémorations du centenaire de la naissance de Charles Aznavour, des étudiants de l'Université française et de l'Université d'État Brusov explorent la vie du chanteur en parcourant son répertoire, sur la scène de l'auditorium du Centre Aznavour.
Par Paul Lombaert et Victor Demare.
À 18h, ce vendredi 5 avril, deux étudiantes en tee-shirt tricolore accueillent les retardataires à l'entrée de l'étroit parvis du centre Charles Aznavour, à Erevan. Sous leurs pieds, à l'étage inférieur, quelques dizaines de spectateurs prennent place sur les gradins de la grande salle de spectacle. Il s'agit de parents, d'étudiants, de professeurs d'université. Certains conservent sur leurs genoux un bouquet de fleurs.
Parmi eux se trouvent les recteurs de l'Université d'État Brusov et de l'Université française en Arménie (UFAR). Des étudiants de ces deux institutions s'apprêtent en effet à rendre hommage à Charles Aznavour, « l'éternel romantique », annonce un jeune homme élancé en tenue de bal et nœud papillon bordeaux, qui s'avance sur la scène alors que les lumières se tamisent. La représentation commence.
Celle-ci s'est donné l'objectif de décliner en une heure la biographie musicale du chanteur français. Le spectacle alterne deux niveaux : la lecture, en arménien puis en français, de "Petit frère", le récit d'Aïda Aznavour-Garvarentz, la sœur aînée Charles, qui raconte leur enfance commune dans le Paris d'entre-deux-guerres. Puis, sur mention d'une chanson de Charles qui scande une étape de sa jeunesse, les narrateurs cèdent la place à d'autres étudiants qui entrent en scène pour en offrir l'adaptation bilingue.
La mise en scène rappelle à la mémoire du public, ou bien les lui fait découvrir, des essais méconnus du Charles Aznavour jeune, des airs de cabaret composés aux temps ambitieux des rêves de gloire, « du haut de l'affiche » sur les murs de Paris. Ces chansons gagnent ici, grâce à leur traduction partielle en arménien, un relief étrange, des sonorités imprévisibles où Pigalle se mélange à Erevan.
À mesure que le récit biographique progresse, les classiques d'Aznavour (Hier encore, La bohème, Comme ils disent...) succèdent aux premières armes, interprétées par des étudiants musiciens et chanteurs qui s'en donnent à cœur joie. La connivence que ces standards de la chanson française établissent entre les interprètes et leur public permet aux plus affirmés d'occuper la scène dans de véritables shows miniatures qui bouleversent l'atmosphère jusque-là feutrée de la salle.
Le spectacle se conclut sur la diffusion sonore d'Autobiographie, un morceau de Charles Aznavour extrait de l'album éponyme de 1980, et que la sœur Aïda qualifie de « véritable poésie ». Le chanteur y revient sur son enfance dans les milieux immigrés de Paris « qui parlaient le russe et puis l'arménien ».
Dans ce spectacle, la cohérence et la progression du récit de la vie d'Aznavour s'effacent un peu devant le plaisir de chanter, de partager ce patrimoine commun et de le traduire d'une langue à l'autre pour mieux se l'approprier. La fin du spectacle annoncée, on se tombe dans les bras, parents et amis offrent aux artistes du jour les bouquets de fleur. On s'attarde quelques minutes devant le buffet préparé par les organisateurs, mais bientôt on se hâte de rentrer. Dès lundi, certains des étudiants qui s'étaient accordés cette parenthèse musicale se confronteront à leurs examens.