Dans la nuit du 25 au 26 mai, le Debet, rivière de montagne à la mauvaise réputation qui coule dans la province du Lori est de nouveau entré en crue. « Du jamais vu » disent de nombreux habitants d'Alaverdi, la commune la plus gravement touchée par les inondations.
Ruzan Mosinyan, habitait près de la gare de Sanahin, quartier relié au centre-ville par un seul pont emporté par les crues. Du haut de son premier étage, elle a assisté impuissante à l'inexorable et furieuse montée des eaux.
« L'eau est montée pendant la nuit, jusqu'au premier étage. Les habitants des rez-de-chaussée sont d'abord montés chez leurs voisins du dessus. Ensuite, avec l'aide des jeunes du quartier, certains ont été évacués vers le bâtiment de la gare. Ils ont passé le reste de la nuit là-bas, sans électricité. Mon père qui travaille de nuit sur un chantier à Teghut n'a pas pu revenir, il est resté sur place », raconte Ruzan.
Aucune solution d'hébergement temporaire ne lui a été proposée, dit-elle, elle a trouvé refuge chez des parents qui habitent eux aussi le quartier. Le lendemain, les eaux s'étant retirées, Ruzan s'est rendue chez elle où elle n'a pu que constater les dégâts : « Le rez-de-chaussée est couvert de boue, les fondations de la maison sont devenues humides, il est impossible d'y retourner pour le moment. Je ne sais pas quand nous pourrons revenir ». Même bilan chez ses proches. « La maison de nos grands-parents aussi a été très endommagée. Les coulées de boue ont emporté du bétail et un entrepôt de pièces détachées agricoles. Nos voitures sont couvertes de boue, nous ne savons pas si nous pourrons les réparer.
À quelques centaines de mètres de là, le logement de Serine Barseghyan occupe le rez-de-chaussée d'un petit immeuble. C'est sa mère l'a réveillée vers 1 heure du matin alors que l'eau commençait à monter. « Il fallait faire quelque chose, mais avons vite vu que c'était impossible, l'eau n'arrêtait pas de monter. Finalement, nous avons réveillé ma fille de huit ans et ma grand-mère pour nous refugier chez les voisins du dessus. En une vingtaine de minutes, tous les rez-de-chaussée étaient inondés, jusqu'au plafond. Craignant que le premier étage ne soit à son tour inondé, nous avons déménagé au troisième étage, où nous avons passé toute la nuit. Vers 15 heures le lendemain, nous sommes descendues au premier étage et les sauveteurs ont pu nous évacuer par la fenêtre ».
Parmi les évacués, nombreux sont ceux qui affirment qu'aucune solution d'hébergement temporaire ne leur a été proposée par les autorités et qu'ils n'ont pu compter que sur leur famille, leurs proches ou leurs amis. La municipalité d'Alaverdi assistée de quelques Organisations non-gouvernementales a rapidement organisé des livraisons de nourriture et de produits de première nécessité à l'aide une tyrolienne tendue au-dessus de la rivière. Zara Khachikyan, une riveraine explique : « il n'y a pas d'eau dans les maisons, mais les voisins ont source dans leur jardin qui est restée propre et que nous utilisons. Il n'y a pas d’électricité non plus, mais ils nous ont fait passer des générateurs de secours ». Aucune solution d'hébergement temporaire ne lui a été proposée, dit-elle, elle a trouvé refuge chez des parents qui habitent eux aussi le quartier.
« Toute la maison est sous la boue, rien ne peut être sauvé », reprend Serine Barseghyan. « Je vis seule, sans mari, avec nous, ce sont une vingtaine de familles dont les logements situés au rez-de-chaussée ont tous été inondées. Ce sont eux qui ont le plus souffert. Ils sont complètement dévastés, tout ce qu'ils contenaient est dans la boue. Je n'arrive pas à imaginer comment tous ces gens seront indemnisés. Et personne ne dit rien à ce sujet, tout ce qu'ils disent, c'est que les dégâts sont colossaux et qu'ils vont faire un inventaire pour en estimer l'étendue ».
Les travaux de nettoyage ont commencé, ce sont les riverains qui s'en occupent. « Nous n'avons que des pelles, c'est très difficile. Nous avons besoin d'équipement, de gros engins, mais il n'y a plus de pont pour les faire passer. Le quartier est complètement coupé de la ville ». Un autre habitant déclare qu'une crue s'étaient déjà produite dans la région une quinzaine d'années auparavant, mais qu'à l'époque, l'eau n'avait que légèrement inondé son appartement. « L'eau n'avait pas dépassé le dessus des lits. Nous n'avons jamais reçu la moindre indemnisation. Nous avons réparé l'appartement nous-mêmes, à nos frais. Même les plus âgés disent que de mémoire, ils n'ont jamais connu une telle catastrophe ».
« Les zones touchées par les inondations ont été déclarées zones sinistrées et 300 millions de drams (plus de 770 000 dollars) ont été alloués pour parer aux premières conséquences », a déclaré en fin de semaine dernière Sona Harutyunyan, la porte-parole du ministère de l’Administration territoriale des Infrastructures. Une commission spéciale aurait été constituée pour étudier l'ampleur des destructions. Si certains sinistrés se plaignent qu'aucune proposition d'hébergement temporaire ne leur ait été soumise, la porte-parole a affirmé que « pour l'instant, le nombre exact de résidents hébergés dans des hôtels et des maisons d'hôtes n'est pas connu, beaucoup des habitants évacués de la zone sinistrée ont préféré rester chez des proches ». Elle a également précisé que l'Arménie n'avait pas demandé l'aide de pays tiers. « Le service de secours arménien s'acquitte de sa tâche et l'intervention de forces supplémentaires n'est pas envisagée pour le moment ».
A ce jour, Il n'existe toujours pas en Arménie de mécanismes d'indemnisation pour les personnes victimes de catastrophes naturelles.