En Arménie, on a l’habitude de dire que la nouvelle année se passera de la même manière qu’on accueille le Jour de l’An. En même temps, l’assertion opposée serait aussi vraie: on fête le Nouvel An comme on vit l’année, puisque la fête fait partie de la vie et, globalement, il ne peut pas y avoir une différence radicale dans nos approches. Si, dans le quotidien, on s’inquiète beaucoup du qu’en-dira-t-on, on se saignera aux quatre veines pour épater ses invités par un arbre de Noël fastueux ou une table qui ploie sous le poids des mets, alors que si on privilégie la qualité plutôt que la quantité, les fêtes deviendront un temps de partage authentique, d’écoute de ses vrais besoins et de ceux des autres, de rêves - ou objectifs - que l’on désire réaliser durant l’année à venir.
Reste que dans notre société actuelle, cette deuxième approche exige du courage pour casser les stéréotypes et oser vivre autrement le quotidien comme les fêtes. Et lorsque Monique Bondolfi, présidente de KASA, a proposé de consacrer son éditorial du mois de décembre à la sobriété heureuse, nous nous sommes demandé si ce n’était pas une notion trop “occidentale”, fort éloignée de la réalité arménienne. Or, il s’est avéré que déjà au sein de KASA, les exemples de pratiques, collectives et individuelles, se rapportant à la philosophie de la sobriété heureuse - ou du minimalisme, synonyme plus simple - sont déjà abondants.
À l’approche des fêtes, nous avons donc voulu mettre en honneur tous ces “courageux” de notre équipe - car KASA, ce sont aussi et avant tout les gens qui y travaillent! - qui osent déjà traduire en actes le changement qu’ils souhaitent pour la société.
“À un moment donné, je me suis rendu compte que vu l’abondance des objets que je possédais, mes ressources les plus précieuses, mon temps et mes pensées étaient presque entièrement consacrés à faire constamment des choix futiles: quel habit mettre, avec quel stylo écrire, etc!”, explique Lusine Tonoyan, responsable du projet d’intégration économique des réfugiés. Du coup elle a commencé à réduire drastiquement - et continue encore! - le nombre de ses biens usuels et revoit constamment son comportement de consommatrice. Lusine remarque que cet art de vivre de manière simple a invité plus de couleurs dans sa vie et lui a permis de privilégier des valeurs et des pensées plus essentielles. De surcroît, avec sa collègue Zarine, elle a fondé l’initiative “Ekomotiv” et promeut activement la “pensée verte” et le jardinage urbain en Arménie, le changement de son mode de vie ayant aussi une forte motivation écologique.
“J’ai commencé à parler moins et à écouter plus. Je crois que lorsque je parle, j’exprime des idées sur des thèmes qui me sont plus ou moins familiers ou dans lesquels je suis versée. Mais quand je parle moins, j’apprends encore plus”, relève Marine Tunyan, responsable du projet d'intégration des réfugiés à travers l’éducation. Une sorte de sobriété verbale, dira-t-on?! Amatrice de shopping, elle se demande de plus en plus fréquemment si elle a vraiment besoin de l’objet qu’elle désire acheter avant de décider de “passer à l’acte”. Elle a réduit son utilisation de sacs plastiques et encourage régulièrement les vendeuses et vendeurs des supermarchés à en proposer moins.
“Tout objet contient une information qui encombre notre cerveau et notre conscience. Entourée de moins d’objets, je me sens plus “légère””, explique Karine Stepanyan, coordinatrice du centre EspaceS de la fondation. Aujourd’hui, elle ne fait un achat que lorsqu’il s’avère réellement nécessaire et utilise les objets qu’elle possède déjà jusqu’à ce qu’ils deviennent inutilisables, à moins qu’elle les offre à quelqu’un qui peut les employer. Karine se sert toujours des transports communs et ne prend un taxi que lorsqu’elle n’a vraiment pas le choix. Le plus souvent, elle préfère marcher. Elle réfléchit beaucoup avant de faire des cadeaux et tâche d’offrir plutôt une expérience - par exemple un passe-temps intéressant - qu’un objet. Un mode de vie qui lui permet de “produire” moins de déchets et “d’encombrer” moins les autres aussi!
Anna Unupoghlyan, responsable du projet de promotion de la francophonie à Gumri, ne porte que des sacs en tissu pour les achats, utilise tout papier - et même les tickets! - comme brouillon, transforme les cartes bancaires expirées en marque-pages en leur donnant une nouvelle forme, réalise des porte-stylos à partir de bouteilles, utilise plusieurs fois les couvercles en métal des boîtes de conserve qu’elle prépare pour l’hiver.
Marine Nazaryan, responsable de la plate-forme d’e-Learning de KASA, a réduit considérablement ses achats, économise l’eau de la vaisselle, collecte le papier pour le recyclage, essaye de ne pas utiliser de sacs plastiques. “De plus, j’éteins régulièrement les lumières après les autres et leur rappelle d’en faire de même”, ajoute-t-elle en souriant.
Melvin Ajoyan, responsable de la maison d'hôtes de KASA à Erevan, Arménienne de Syrie, pratique des approches minimalistes dans sa vie et au travail aussi: elle cherche toujours des solutions intéressantes pour redonner une nouvelle vie aux objets. Au lieu de jeter les réciptients en verre achetés pour la maison d'hôtes, elles les transforme en pots à confiture! Et les bouteilles en plastique utilisées par ses hôtes finissent par être collectées par elle pour le recyclage.
Toutes ces personnes et leurs collègues - il est impossible de les présenter tous dans le cadre d’un seul article, et nous en sommes fiers! - ont également initié des pratiques minimalistes au sein de leurs équipes à Gumri comme à Erevan.
De manière collective, les collaborateurs de KASA:
Réutilisent le papier, les bouteilles et les boîtes en plastique pour les pauses.
Partagent et échangent la nourriture durant les pauses, qu’elles emmènent de la maison ou préparent sur place, les vêtements de grossesse ainsi que ceux pour les nouveaux-nés pour éviter des achats temporaires et superflus, les bijoux qu’elles ne portent plus.
Remplacent les sacs en plastique par des sacs en tissu pour les achats, les verres en plastique par des verres ordinaires.
Offrent régulièrement les habits en bon état qu’ils ne portent plus à des familles défavorisées.
Recyclent le papier, les bouteilles en plastique et en verre non-utilisées.
Réduisent leur consommation d’eau et d’électricité, etc.
Tous ces petits gestes qui, additionnés, réalisent une grande différence, définissent désormais la culture de KASA. C’est un chemin sur lequel nous continuons à avancer à la fois avec humilité et fermeté, conscients de notre responsabilité de laisser aux générations futures une Planète encore habitable.