Avec compassion, mais de loin : quelle est l'attitude envers les handicapés en Arménie?

Société
11.06.2020

En Arménie, on évoque très souvent l'éducation inclusive, l'intégration sociale, les droits des personnes handicapées. Ainsi, l’époque où l'on voyait une personne en fauteuil roulant et où l'on détournait les yeux, est désormais révolue. L’exemple le plus parlant de cette évolution : la ministre du Travail et des Affaires sociales Zaruhi Batoyan, qui se déplace en fauteuil roulant. Mais est-ce qu'on a vraiment vaincu toutes les réticences ? 

La SARL « Cable TV », avec l'aide de quelques partenaires, vient de commencer, à Erevan, un projet de Centre de développement pour les enfants handicapés. Selon Shushanik Arevshatyan, la déléguée par la société pour faire les démarches nécessaires, à cette fin, en décembre 2019, un permis officiel pour la construction d'une rampe pour les enfants en fauteuil roulant a été reçu de la Municipalité d'Erevan. L’obtention du permis a été précédée par la collecte de tous les documents nécessaires, un diagnostic géodésique du bâtiment a été effectué, la conception architecturale a été fournie et toutes les normes nécessaires ont été respectées.

Il y a quelques jours, les restrictions liées à la pandémie étant levées, le travail a commencé, mais très vite, un imprévu est survenu : « Certains voisins de l'entrée où se trouve le local ont commencé à bloquer la construction, et ce pour une seule raison : ils ne veulent pas voir d'enfants handicapés sous leurs fenêtres ! C'est effrayant d'entendre cela de la part des gens... C'est effrayant de réaliser à quel point notre société est dégradée ! Et il est deux fois plus effrayant d'imaginer qu'en raison des ambitions personnelles de deux ou trois résidents de l’immeuble, les enfants seront privés de la possibilité de réaliser leurs droits et libertés », a déclaré Mme Arevshatyan.

Shushanik Arevshatyan est convaincue que les membres les plus vulnérables de notre société - les enfants handicapés - ont les mêmes droits que les autres groupes sociaux. Cela signifie qu'une personne a le doit d’étudier, être soignée, travailler, se reposer et interagir avec d'autres personnes sur un pied d'égalité. Avoir accès à des services médicaux, éducatifs, à une vie normale et épanouie, enfin ! Mais il s'est avéré que notre société n'est pas prête pour cela.

« L'ouverture du Centre de développement pour les enfants handicapés au 13, rue Tpagrichneri à Erevan a été la raison de cette discorde universelle, qui a été immédiatement utilisée par certains députés pour récolter des dividendes politiques à bon marché », a souligné Mme Arevshatyan.

Elle a rappelé qu'on recense 189 485 personnes handicapées en Arménie, dont plus de 8.000 sont des enfants. Par conséquent, il est important que l'opinion publique et la perception des personnes handicapées en Arménie en général changent, car dans de nombreux cas, un élément clé de l'attitude envers elles est le sentiment de compassion.

« Nous vivons malheureusement dans une nouvelle réalité où il n’y a pas de place pour la compassion et la miséricorde », a-t-elle conclu.

Il faut préciser que bien que le Centre de développement soit conçu pour les enfants handicapés, il est également prêt à accepter des enfants non handicapés, car l'objectif principal de ce projet est de créer un environnement ouvert et inclusif. Il est conçu pour accueillir 20 enfants.

Le Centre de développement pour enfants ouvrira de toute façon, puisque les autorités de la ville ont donné leur autorisation et puisqu’il a été conçu pour le bien de tous. Seulement, en attendant, les forces de l'ordre sont obligées de freiner les voisins intolérants qui s’emploient à empêcher les travaux de construction. Une affaire à suivre.