Le Parlement géorgien adopte définitivement la loi sur l’”influence étrangère”

Région
29.05.2024

Ce mardi 28 mai, la majorité parlementaire a levé le véto présidentiel sur la controversée loi sur l’”influence étrangère”.

Par Théotime Coutaud

 

La loi définitivement adoptée

Hier, les députés de Rêve Géorgien ont adopté la loi par 84 voix pour et 4 contre. Le parti au pouvoir a ainsi balayé le véto apposé par la présidente, Salomé Zourabichvili, après l’adoption du texte au Parlement, le 14 mai. Malgré plus d’un mois de contestation de la société civile, et malgré les mises en garde des partenaires européens et étasuniens quant aux conséquences délétères de l’adoption d’une législation jugée anti-démocratique sur le processus d’intégration à l’Union européenne (UE), le gouvernement a adopté la loi.

Une fois la loi signée, le Ministère de la Justice créera; dans les deux mois qui viennent, un registre des organisations non gouvernementales, médias et autres organisations à but non lucratif “poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère" dès lors qu’ils reçoivent plus de 20 % de leur financement de l'étranger. Ces dernières auront alors 30 jours pour s'enregistrer. Faute de quoi, le ministère leur infligera une amende d’environ 8 500€ (25 000 GEL), les enregistrera de force, et pourra enquêter sur ces organisations à tout moment s'il le juge nécessaire. Le Ministère sera légalement autorisé à accéder à toute information, y compris les données personnelles et classifiées. En bref, le gouvernement disposera d'un mécanisme juridique pour réprimer sévèrement et réduire au silence toute opposition dans le pays, menaçant déjà le déroulement démocratique des élections législatives d’octobre prochain.

 

Un tournant géostratégique ?

Bien que la Géorgie soit officiellement candidate à l'UE depuis décembre 2023 et que le Rêve géorgien poursuive officiellement l'objectif –  qu’il a lui-même inscrit dans la Constitution en 2018 – de rejoindre l'UE et l'OTAN, la politique “équilibrée” avec la Russie et l’Occident défendue par le parti depuis sa prise de pouvoir en 2012 a laissé place à un dérive autoritaire qui menace de ramener le pays dans la sphère d’influence russe. Dans le même temps, la Chine étend son influence économique en Géorgie. Seul pays du Caucase à avoir signé un accord de libre-échange avec la Chine et l’UE, la Géorgie  entend tirer parti de son positionnement géostratégique, au cœur des nouvelles routes de la soie. Hier, le Premier ministre saluait l’accord de libéralisation des visas avec Pékin annoncé fin février. Ce matin, le ministère de l’Économie a annoncé la construction par un consortium chinois du port en eau profonde d’Anaklia, projet autrefois soutenu par un consortium américano-géorgien.

 

Et maintenant ?

Depuis quelques semaines déjà, les manifestants protestant contre l’adoption de la “loi russe” ne se faisaient plus d’illusion. Ils attendent une réponse ferme des Vingt-Sept, suite au conseil des affaires étrangères, le 24 juin. Des sanctions contre Bidzina Ivanichvili – oligarque, fondateur et président de Rêve géorgien – et son entourage, sont hypothétiques car elle requiert l’unanimité, et des pays, comme la Hongrie ou la Slovaquie, pourraient s’y opposer.

De leur côté, les partis d’opposition se sont rangés derrière la présidente Zourabichvili. À son initiative, ils ont signé ce dimanche, le jour de la Fête de l’indépendance de la première république démocratique de Géorgie (1918-1921), la “Charte géorgienne”. Celle-ci engage ses signataires à abroger la loi, et à mener diverses réformes pour ramener le pays sur la voie européenne. L’objectif étant la victoire aux élections législatives d’octobre prochain.