Près de trois siècles après la fameuse Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, Arthur Merour, professeur de français à l'Alliance française d'Arménie lance "l'Encyclopédyan", le premier dictionnaire participatif francophone dédié à l'Arménie.
Par Olivier Merlet
Arthur Merour a passé quatre années en Iran avant de s'établir à Erevan il y a quelques mois. Diplômé de l'Inalco (l'ex. "Langues-O" de Paris), ses études iraniennes l'avaient conduit à Téhéran pour parfaire sa pratique de la langue persane et rencontrer enfin ce pays fascinant, « à la culture riche mais complexe », fait-il remarquer. C'est en se rendant au Centre de la Langue française où il était enseignant, qu'Arthur remarque pour la première fois sur un bâtiment voisin -un ancien collège arménien pour garçons- une plaque gravée d'une mention dans l'alphabet de Mashtots. Bientôt, au fil de ses vagabondages culturels dans l'antique Persépolis, le jeune nantais découvre çà et là, fréquemment, sur le porche d'une église -elles sont nombreuses dans la capitale iranienne - ou la façade d'autres écoles, des inscriptions et des gravures en Arménien. « Une écriture magique », sourit-il, d'autant plus lorsqu'il la retrouve avec grand plaisir sur les étiquettes des rares bouteilles de vin qu'il arrive parfois à se procurer clandestinement… Du vin d'Arménie bien sûr.
« Ma présence en Arménie aujourd'hui, c'est un peu l'extension de mon séjour en Iran et de ma rencontre avec la culture arméno-persane », explique Arthur qui enseigne désormais le français "langue étrangère" à l'Alliance Française. Il explique que cette idée de l'Encyclopédyan, premier travail encyclopédique francophone sur l'Arménie, lui est venue de sa frustration de ne quasiment jamais trouver dans les librairies de France, d'autres ouvrages que ceux consacrés à Charles Aznavour ou au génocide du siècle dernier. « J'aurais aimé trouver plus de bouquins qui me fassent rêver en parlant du vivant et du contemporain de l'Arménie »
L'idée lui vient donc de réunir sur Wikipédia une collection d'articles sur des sujets divers, modernes et anciens, variés, mais toujours en lien avec l'Arménie, « pour la rendre plus attrayante, moins austère, et lui donner plus de visibilité dans la Francophonie, plus de place dans l'Internet francophone ». Le projet consiste en fait à créer des nouveaux articles mais aussi à compléter ceux déjà disponibles. L'aventure est ouverte à tous, tous les francophones d'Arménie, quels que soient leur âge et leur nationalité. Arthur a déjà communiqué l'information via les réseaux sociaux, une page Facebook et un canal Telegram ont spécialement été créés à cet effet.
Une première réunion des encyclopédistes amateurs a eu lieu le 21 janvier dans les locaux de l'Alliance Française rue Moskovyan. Pour amorcer le travail et en présenter le fonctionnement, Arthur avait sélectionné une fiche existante de Wikipédia consacrée à Badr el Jemali, cet Arménien devenu grand vizir héréditaire d'Égypte. Après l'avoir complétée d'informations tirées d'un autre livre qui racontait son histoire, les participants ont défini les premiers thèmes sur lesquels porteront leurs recherches : l'ancienne religion en Arménie, les royaumes d'Arménie, Les dynasties arsacides, Artsakh ou encore La langue arménienne et l'alphabet. En dehors des réunions, prévues pour se tenir deux fois par mois, le travail continuera à être mené à distance via un outil disponible ligne, le "padlet", qui permettra de gérer les échanges entre tous les intervenants ainsi que l'avancée des travaux.
« Sur le principe » explique Arthur, « lorsqu'une personne décide d'écrire un article sur quelque sujet que ce soit, il faut tout d'abord se renseigner sur ce qui existe, en français, et aussi dans les autres langues. Les thèmes retenus sont discutés au cours de séances collectives, chacun donne son avis, et si tout le monde est d'accord sur le fond, je me charge de relire les copies, d'y apporter toutes les corrections requises en langue française et j'édite le tout sur Wikipédia ». Les modérateurs et responsables de l'encyclopédie en ligne évalueront la qualité et la diversité des sources retenues ainsi que la pertinence des articles et lui en feront le retour si elles s'avèrent insuffisantes.
La démarche se veut avant tout culturelle, vivante, conviviale et participative. Elle n'en demeure pas moins un excellent outil pédagogique d'apprentissage du français. « En tant que professeur, j'éprouve toujours un souci pédagogique dans les activités para-éducatives que j'organise. On compare, on comprend les articles, donc compréhension écrite, on sélectionne et on rédige, on travaille donc aussi l'expression écrite »
A terme, Arthur souhaiterait que des lycéens et des professeurs se joignent à l'expérience et peut-être, en faire la promotion auprès des instances françaises comme l'ambassade ou organiser des ateliers en collaboration avec l'UFAR. « C'est un travail de longue haleine » précise Arthur, qui avoue ne pas encore très bien s'imaginer où ce travail le mènera. L'entreprise pourrait se révéler immense, infinie pourquoi pas, c'est le propre du savoir après tout.