Le 16 décembre dernier, le Premier ministre arménien Nikol Pachinyan a annoncé un accord avec Bakou pour la construction de la voie ferrée Yeraskh-Julfa-Ordubad-Meghri-Horadiz reliant l'Azerbaïdjan au Nakhitchévan via Syunik et l'Arménie à l'Iran et à la Russie. En d'autres termes, il s'agit de poser le chemin de fer à travers Meghri, qui a été démantelé après l'effondrement de l'URSS.
Voici ce que Gagik Aghajian, expert dans le domaine des transport, pense de cette idée. Il estime que la mise en œuvre de cette idée est, pour ne pas dire plus, dangereuse pour l'Arménie.
« Au cours des 30 dernières années, depuis l'effondrement de l'URSS, la carte ferroviaire régionale a considérablement changé. L'Azerbaïdjan a déjà construit une voie ferrée pour rejoindre l'Iran via Astara-Racht. Bakou a déjà contourné l'Arménie par l'est. Il existe déjà une voie ferrée reliant la Géorgie à la Turquie : Kars - Akhalkalaki. C'est-à-dire que la Géorgie contourne l'Arménie par l'ouest. Il existe donc des communications ferroviaires contournant l'Arménie par l'est, le nord et l'ouest. Il ne reste donc qu'une seule route (celle du sud), dont la construction laisserait l'Arménie, en tant que centre de la région, dans l'isolement en matière de transport. Dès que la voie ferrée reliant les régions méridionales de l'Azerbaïdjan au Nakhitchevan, et plus loin à la Turquie, sera construite par le biais du corridor dit de Meghri, l'Arménie se retrouvera dans un isolement total en matière de transport. C'est-à-dire qu'avec notre aide, ils (l'Azerbaïdjan et la Turquie - Ndlr) contourneront effectivement l'Arménie. La section Meghri est une route de 45 km qui sera utilisée par les trains azerbaïdjanais pour transiter vers le Nakhitchevan. Il s'agit simplement d'une courte voie de transit, à laquelle le chemin de fer arménien lui-même n'a pas accès. En d'autres termes, il ne sera pas relié au système ferroviaire arménien, mais uniquement à l'Azerbaïdjan et au Nakhitchévan. Oui, les marchandises arméniennes peuvent être acheminées vers l'Iran par voie ferroviaire via le Nakhitchévan si elles sont débloquées, mais il n'est pas nécessaire de construire une nouvelle route à travers le sud de l'Arménie pour ce faire. L'Arménie peut rétablir les liaisons ferroviaires avec l'Azerbaïdjan via Ijevan en quelques semaines ou mois, assurant ainsi des liaisons de transport entre Bakou et Nakhitchévan, et l'Azerbaïdjan débloquera la voie ferrée entre l'Arménie et l'Iran via ce même Nakhitchévan. Cette route existe déjà. Pourquoi construire une autre route depuis le sud ? La réponse est évidente : pour contourner l'Arménie. C'est tout. Je doute donc que l'on puisse parler d'un redémarrage du chemin de fer entre l'Arménie et la Turquie à l'avenir. La Turquie a déjà déclaré qu'elle était prête à construire une voie ferrée vers le Nakhitchevan, de la gare de Sharur (Nakhitchévan) à Igdir, puis à Kars. Dans un tel scénario, l'Arménie devra à chaque fois s'incliner devant ses voisins pour obtenir une route dans une direction ou une autre. Nous ne pouvons cependant pas leur offrir nos routes de quelque manière que ce soit.v- Ils n'en auront pas besoin. L'Arménie paiera unilatéralement à ses voisins les routes traversant leurs territoires. En d'autres termes, le redémarrage de la section Meghri du chemin de fer aura pour conséquence que l'Arménie, située au centre de la Transcaucasie, se retrouvera dans un isolement total en matière de transport. Il s'avère que la nouvelle carte des communications de transport profitera à tous, sauf à l'Arménie, qui perdra finalement la possibilité de se connecter à la Russie par le biais du réseau ferroviaire azerbaïdjanais, ainsi que la perspective de relancer le chemin de fer avec la Turquie. Je pense qu'Erevan pourrait proposer d'utiliser les chemins de fer existants. Lorsque les flux de marchandises et le volume du trafic atteignent un niveau tel que la capacité de ces routes n'est pas suffisante pour les desservir, on peut alors envisager la construction d'une route alternative. Il sera alors économiquement possible de construire une nouvelle voie. S'il n'y a pas de viabilité économique à la construire aujourd'hui, on peut se demander pourquoi il faudrait le faire. La seule explication est qu'il s'agit d'un projet politique ».