« C’est à la France de saisir la justice internationale pour les crimes commis au Haut-Karabakh »

Opinions
01.10.2024

 

Le 19 septembre, un an après l'agression finale des troupes azerbaidjanaises sur le Haut-Kharabagh, François Zimeray et Catalina de la Sota, avocats au barreau de Paris saisissaient la Cour Pénale Internationale (CPI) pour le déplacement forcé de la population d'Artsakh.

 

Dans une Tribune parue au Point le 27 septembre, ils appellent cette fois la France à faire valoir ses droits de partie signataire du Traité de Rome pour obtenir du Procureur de la CPI l'ouverture d'une enquête.

 

« Voilà déjà un an que l’agression militaire de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh a forcé à l’exil plus de 100 000 Arméniens. L'expulsion massive des Arméniens du Haut-Karabakh constitue un des nettoyages ethniques les plus flagrants de notre temps. Au nom de deux de ces victimes, nous avons saisi le procureur de la Cour pénale internationale (CPI). Comme tant d'autres familles aujourd'hui réfugiées en Arménie, elles connurent la faim et le froid durant les neuf mois de blocus avant l'attaque de l'Azerbaïdjan, puis elles durent fuir, emportant le bagage d'une vie.

En droit, ces faits sont constitutifs du crime contre l'humanité de déportation de population. Le statut de Rome précise : « Par “déportation ou transfert forcé de population”, on entend le fait de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d'autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international. » On ne peut être plus clair, et c'est précisément ces faits qui ont été portés à la connaissance du procureur de la CPI.

Que la France agisse en cohérence avec ses déclarations constantes

Pourtant, rien ne l'oblige à donner suite à ces plaintes. Peut-on accepter que de tels actes demeurent dans l'angle mort de la justice internationale et que prévale l'impunité des crimes les plus graves ? La France peut s'enorgueillir d'avoir porté depuis le premier jour le projet d'une juridiction pénale internationale, comme elle a participé à son édification et contribue aujourd'hui à son fonctionnement. La justice internationale a été défendue avec force par des générations de diplomates et d'hommes d'État qui, comme Robert Badinter, voyaient dans cette institution le moyen d'un monde plus juste.

C'est pourquoi, alors que nombreux sont les Arméniens de France concernés par cette tragédie, nous appelons la France à agir en cohérence avec ses déclarations constantes en faisant application de l'article 14 du statut de Rome qui dispose que « tout État partie peut déférer au procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis, et prier le procureur d'enquêter sur cette situation en vue de déterminer si une ou plusieurs personnes identifiées devraient être accusées de ces crimes ».

L'indifférence et la résignation habitent sous le même toit, celui des oubliés de l'actualité. Nous ne pouvons tolérer que ces victimes deviennent aussi les délaissés de la justice. Laisser les crimes du Haut-Karabakh impunis serait accepter que seule paye la loi de la force et de la terreur. La Cour pénale internationale est loin d'avoir atteint sa maturité, sa légitimité est encore fragile, mais quelle autre juridiction serait en mesure d'y répondre en faisant la lumière sur les crimes commis et en jugeant les responsables ? »