Une délégation économique composée d'acteurs du département français des Bouches-du-Rhône est arrivée en Arménie afin d'approfondir la coopération entre des entreprises des deux pays et signer de nouveaux accords.
Par Paul Lombaert et Victor Demare.
La semaine dernière, le Premier ministre Nikol Pashinyan aurait glissé à la présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Martine Vassal, qu'il attendait de la France « moins de sentiments et davantage d'actions concrètes ». C'est exactement dans cette direction que s'est engagée la Chambre de commerce et d'industrie franco-arménienne (CCIFA), en organisant la visite de travail à Erevan d'une trentaine d'entreprises de ce département, dans la foulée de celle des politiques et élus menés par Martine Vassal et Didier Parakian, député des Bouches du Rhône et président d'honneur de la CCIFA.
Objectif du déplacement : approfondir des partenariats existants et en sceller de nouveaux, commerciaux, d'import-export, financiers, d'investissement ou encore d'échanges de services et de solutions technologiques. Dirigeants et capitaines d'industrie marseillais obligent, la première visite fut celle de la distillerie de brandy Ararat, dont l'actionnaire majoritaire, depuis trois décennies, est Pernod-Ricard. Ce partenariat exemplaire devrait cependant ne plus être exceptionnel. « Le mois d'avril 2024 marque véritable tournant dans la relation franco-arménienne », a déclaré Martine Vassal, en présence du directeur de la distillerie. « Bien sûr », s'est enthousiasmé Armen Mnatzakanian, le président exécutif de la CCIFA, comme en écho à la requête de M. Pashinyan, « notre visite est certes remplie d'émotions, mais surtout remplie de contrats ».
Le caractère à la fois public et privé de la mission intitulée "Arménie 2024" s'est révélé essentiel dans le cadre de projets hybrides, à l'image de celui du dispensaire dentaire d'Etchmiadzine ou du centre cardiovasculaire franco-arménien de Goris. Ce dernier, opérationnel depuis 2013 et ayant créé une soixantaine d'emplois dans le Syunik, est essentiellement subventionné par le département des Bouches-du-Rhône et par des établissements hospitaliers marseillais. En vue de son agrandissement, de la modernisation de ses équipements et également d'ouvrir d'autres établissements similaires, Martine Vassal a promis la poursuite du soutien de son département ainsi que sa mise en relation avec des fonds privés. Dans la même sphère des associations "privé-public", l'accord tripartite renouvelé entre l'Université française en Arménie, la CCIFA et le Conseil départemental, permettra l'envoi de nouveaux stagiaires arméniens dans ses entreprises, et de consolider un nouveau parcours en "management hôtelier", en lien avec des établissements marseillais.
Côté "business", le constructeur d'engins miniers français Aramine a annoncé un projet d'investissement avec Spartan Mines qui exploite le complexe des mines d'or de Kapan. Il s'agit de l'implantation locale de lignes de production pour servir le marché intérieur et envisagées, à terme, comme tête de pont des exportations vers l'Asie centrale et méridionale. « Nous sommes enchantés des partenaires que nous avons rencontrés et fiers d'investir sur la terre de nos ancêtres », a déclaré Geneviève Melkonian, présidente d'Aramine et membre de la diaspora de Marseille. Dans le secteur agricole cette fois, le groupe Richel a signé pour 15 millions d'euros contrats pour la fourniture de 175 hectares de serres avec quatre grosses sociétés de production horticole et maraichère d'Arménie. Bien que le groupe soit présent dans 75 pays de par le Monde, sa filiale locale réalise à elle seule 10% du chiffre d'affaires total de l'entreprise.
En marge des signatures de contrats, la délégation a également pu découvrir quelques fleurons de l'économie arménienne. Elle a notamment été conviée au siège de l'enfant prodige du secteur technologique arménien, le groupe Softconstruct, fondé par les frères Badalyan en 2003. Celui-ci, qui revendique une gestion à la fois horizontale et décentralisée, éclatée en start-up autonomes et interconnectées, paraît comme surgie d'une utopie californienne, un îlot de management contemporain dans le paysage du capitalisme arménien. Ici, on touche à tout, on mélange tout, et on croît rapidement. Crédit, banque, développement informatique, télévision, pari sportif et casino virtuel, cryptomonnaie et œuvres d'art "NFT" ("Non Fungible Token"), pas un secteur de la finance ni du divertissement qui échappe à ce qui est déjà la plus prospère entreprise "tech" d'Arménie. De quoi séduire les capitaux marseillais ? « Nous serons en France pour couvrir les Jeux Olympiques de Paris », annonce le directeur de FastTV, filiale de SoftConstruct, « Rencontrons-nous là-bas de nouveau ! »