Le Musée Komitas présente jusqu'au 5 juillet une exposition unique en son genre, visuelle et musicale intitulée "Conversation avec le Roseau" qui promet d'éveiller les sens et d'inspirer à la réflexion.
Par Darya Jumel
Cette initiative mêlant art et science lancée par le collectif AHA offre aux visiteurs une plongée immersive dans l'univers fascinant de l’Arundo donax, ce roseau, élément emblématique de la culture arménienne puisque à partir duquel sont confectionnées les anches de "duduk". À travers une variété d'œuvres d'art et d'instruments, d'installations visuelles, les artistes célèbrent la relation profonde entre l'homme et le roseau, mettant en lumière son importance historique et ses territoires, allant au bassin méditerranéen aux berges de l'Araxe, mais aussi culturelle et artistique, sans omettre les enjeux écologiques auxquels le roseau se trouve impliqué malgré lui.
Dès son arrivée, le visiteur est plongé dans un espace qui mêle cabinet de curiosités, musée d'histoire et laboratoire scientifique. L'exposition rappelle l'importance du roseau dans la mythologie et explore l'évolution de son rôle dans les pratiques musicales arméniennes et baroques à travers les siècles, les diverses approches et créations, mettant en lumière leur diversité et l'art de transformer la sonorité en son. Elle évoque aussi ses nouvelles relations à l'environnement induites par l'industrialisation.
Bien que dense en informations et en éléments textuels, l'exposition témoigne de la profondeur de recherches méticuleuses. Une bibliothèque d’anches de hautbois, basson, zurna et duduk, provenant de collections privées et des musées d’Arménie, offre une occasion unique d’apprécier ces précieux objets. Dans une exposition réfléchie, Maïda, artiste plasticienne, apporte une touche de légèreté et de poésie. Sa série d'illustrations intitulée "Soufflez" a été réalisée avec un "calame", un roseau taillé en pointe utilisé pour l'écriture à la plume sur du papier de bambou. Les roseaux, à portée de main, permettent aux visiteurs une opportunité unique de les toucher et de ressentir leur texture délicate ainsi que leurs nuances naturelles. Chaque élément de cet espace renvoie à la métaphore du roseau.
La contemplation des œuvres offre une pause dans l'agitation du mouvement des visiteurs présents le soir de l'inauguration. En clôture du vernissage, des danseurs ont interprété des danses traditionnelles, accompagnés de musiciens arméniens jouant des mélodies populaires. Le roseau, utilisé dans les anches de zurna, est un élément essentiel de la musique qui accompagne la danse.
L’exposition met en dialogue le travail de plus d'un an de recherche et de création tant en France qu'en Arménie. Organisée dans le cadre de l’appel à projet « recherches en musique » : Une synergie de chercheurs et d’artistes menée par Lola Soulier, musicologue hautboïste, et soutenue par le ministère français de la Culture. Elle met en scène le fruit de leur travail, celui de Maïda Chavak, artiste visuelle et d'autres intervenants dont le virtuose du "duduk" Gevorg Dabaghyan, le maitre-facteur d'anche Hovhannes Khudaverdyan et Jean-Marie Heinrich, bassoniste. L'exposition a été conçue sous le commissariat de Nairi Khatchadourian.
En marge de l'exposition, Lola Soulier, doctorante à la Sorbonne université et musicienne, est intervenue lors d'une conférence le 13 avril pour faire découvrir les sonorités des plus grands joueurs de duduk et de zurna comme Vatche Hovsepyan, Glakho Zakaryan et Hossein Omouni. Une programmation artistique et scientifique est aussi organisée dans le cadre de l'exposition.