Résolution du Sénat français – de la lettre à la loi

Actualité
16.11.2022

Mardi 15 novembre, le Sénat français a adopté la proposition de résolution visant à appliquer des sanctions à l'encontre de l'Azerbaïdjan et exiger son retrait immédiat du territoire arménien.

Par Olivier Merlet

Par 295 voix "pour" et une seule "contre", celle de Nathalie Goulet, sénateur centriste du département de l'Orne, le Sénat français a demandé au gouvernement, dans un texte voté mardi, d'envisager avec ses partenaires européens les réponses « les plus fermes à l'égard de l'Azerbaïdjan » et d'exiger son retrait immédiat du territoire arménien, le gel des avoirs de ses dirigeants et un embargo sur les importations de pétrole et de gaz. Le texte appelle en outre à la libération et au rapatriement de tous les prisonniers de guerre arméniens.

36 sénateurs se sont abstenus et 40 n'ont pas participé au vote dont le président du Sénat, Gérard Larcher, pourtant supposé grand ami de l'Arménie, et Patrick Richard, président de séance.

« Le temps n'est plus à observer ou protester : il faut sanctionner, et c'est l'objet de cette résolution», a déclaré Bruno Retailleau, président du groupe des Républicains et porteur du texte. Le sénateur de Vendée a aussi déploré les "deux poids et deux mesures" de la diplomatie européenne : « La Russie, qui viole la souveraineté de l'Ukraine, est condamnée : pourquoi ne condamne-t-on pas l'Azerbaïdjan et la Turquie, qui violent celle de l'Arménie ? Des crimes de guerre sont commis en Ukraine, d'autres le sont en Arménie. Ce deux poids, deux mesures est une honte. La souveraineté de l'Arménie veut-elle moins que celle de l'Ukraine ? Les vies arméniennes valent-elles moins que les vies ukrainiennes ?

Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine qui participait en septembre dernier au déplacement à Erevan d' une délégation du Sénat a évoqué sa rencontre avec Vladimir Vardanyan, président du groupe d'amitié Arménie-France. « Il nous a confié, les larmes aux yeux, sa terreur de ne pas pouvoir éviter à son peuple un nouveau génocide. En octobre 2019, nous étions tous les deux au mont Valérien, là où Misak Manoukian fut fusillé par les Allemands en février 1944. Misak Manoukian a donné sa vie pour la liberté de la France. Que sommes-nous prêts à donner à l'Arménie pour sa liberté ? Le peuple arménien nous demande de rester fidèles à notre combat pour la liberté et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. »

Les débats ont été fournis mais non houleux. Le consensus s'imposait déjà. 18 sénateurs de tout bord ont successivement pris la parole. Dans les faits, une résolution s'apparente, selon la constitution, comme un texte « sans valeur contraignante ». Contrairement aux lois, elle marque « l'expression d'un souhait ou d'une préoccupation à caractère général, destiné faire prendre au Sénat une position politique sur un sujet donné, sans pouvoir mettre en cause la responsabilité du gouvernement ni comporter d’injonction à son égard ».

Sur les bancs du gouvernement, d'ailleurs, le ministre chargé du Commerce extérieur, Olivier Becht, a rappelé les prises de position répétées du gouvernement français devant le Conseil de sécurité des Nations unies en Septembre et à Prague en octobre, « pour le strict respect du cessez-le-feu, le renoncement au recours à la force, le respect de l'intégrité territoriale arménienne et le retrait des troupes azéries ». Il s'agissait en fait de reprendre au compte du gouvernement l'essentiel des exigences de la résolution en discussion tout en se gardant d'en approuver les sanctions. « Nous voulons faciliter ces pourparlers et contribuer à un climat de confiance, plutôt que de prendre des mesures de rétorsion contre une partie ».

L'intégrité territoriale de l'Arménie doit être défendue, « dans le respect du droit international » précise-t-il , avant d'ajouter toutefois que « la France continuera d'oeuvrer au règlement de la situation du Haut-Karabagh. Je vous invite à écouter l'Arménie, pour qui il ne s'agit pas d'une question de territoire, mais de droits. L'Arménie nous demande de continuer à être un médiateur actif de la paix. C'est le message que le ministre des affaires étrangères arménien m'a donné la semaine dernière, et qui guide notre action. » Olivier Becht, s'était entretenu avec le chef de la diplomatie arménienne, Ararat Mirzoyan, quelques jours auparavant. Le ministre a conclu en affirmant « aucun pays sur la scène internationale ne fait davantage que la France pour soutenir l'Arménie ».

Le ministère des Affaires étrangères de la République d'Artsakh a salué l'adoption de cette résolution condamnant « les actions agressives répétées de l'Azerbaïdjan contre le Haut-Karabakh qui menacent la sécurité et la liberté des Arméniens d'Artsakh. Nous exprimons notre gratitude à nos amis en France pour avoir adopté une position sans équivoque et de principe» , lit-on dans le message.

Alen Simonyan, le président de l'Assemblée nationale d'Arménie a également remercié les sénateurs français. « Le Sénat de la France amie », a-t-il tweeté, « l'un des berceaux de la démocratie, a adopté une résolution soutenant l'Arménie et proposant des sanctions contre l'Azerbaïdjan. Merci à nos collègues de servir la justice ».