Moscou : « les dirigeants d’Erevan commettent une grave erreur »

Actualité
26.09.2023

En milieu d'après-midi le 25 septembre, le ministère russe des Affaires étrangères a vertement répondu aux déclarations du Premier ministre sur les conséquences des évènements du Karabagh.

 

« La responsabilité d'une telle évolution des événements incombera entièrement à l'Azerbaïdjan, qui a adopté une politique de nettoyage ethnique, ainsi qu'aux troupes de maintien de la paix de la Fédération de Russie au Haut-Karabagh », déclarait dimanche Nikol Pashinyan alors qu'il revenait sur la ratification du traité de Rome et justifiait la nécessité pour l'Arménie de diversifier sa recherche d'alliés en matière de sécurité nationale. Le Premier ministre réagissait aussi aux propos d'Evgueni Fedorov, député à la Douma d'État russe, qui lui-même ne déclarait rien de moins, au lendemain de l'agression azérie sur le Karabagh : « nous rétablirons le contrôle de ce territoire. Erevan reviendra à la position de notre réalité historique. Autrement dit, ce sera un position de gouvernorat ou autre chose ».

« L’analyse des événements montre que les systèmes de sécurité et les alliés sur lesquels nous comptons depuis de nombreuses années se sont fixé pour tâche de montrer nos vulnérabilités et de justifier l’impossibilité pour le peuple arménien d’avoir un État indépendant. », s'est insurgé Nikol Pashinyan, ajoutant : «Nous appelons la communauté internationale à exprimer son soutien indéfectible à l'indépendance, à la souveraineté, à l'intégrité territoriale et à la démocratie de l'Arménie. Nous prendrons toutes les mesures pour protéger notre indépendance. À cet égard, il est nécessaire de transformer, compléter et enrichir les outils de sécurité extérieure et intérieure de la République d'Arménie, en coopérant avec tous les partenaires prêts à prendre des mesures mutuellement bénéfiques ».

La réaction officielle de Moscou est tombée hier en milieu d'après-midi, brutale et défiante, s'en prenant directement au chef de l'État arménien.

« L'allocution du Premier ministre de la République d'Arménie Nikol Pashinyan sur l'indépendance du 24 septembre 2023 contient des attaques inacceptables contre la Russie et ne peut que provoquer le rejet. Il s’agit d'une tentative de se dégager de sa responsabilité des échecs de la politique intérieure et étrangère, en rejetant la faute sur Moscou. Les dernières déclarations de Nikol Pashinyan confirment nos conclusions antérieures selon lesquelles les processus inspirés par l'Occident et soutenus par Erevan, destructeurs pour notre propre pays et nos relations alliées, ne sont pas de nature épisodique, mais systémique.

Le chef du gouvernement a en effet admis que pendant tout ce temps la république se préparait délibérément à se détourner de la Russie. Les démarches, destinées à établir un nouveau vecteur – occidental – pour le développement de l’Arménie, sont justifiées de manière peu convaincante par de prétendues erreurs de la part de la Fédération de Russie et de l’OTSC. Dans le même temps, on oublie que nos États ont des intérêts largement similaires en matière de sécurité et de développement, et que les États-Unis et d'autres pays de l'Otan se sont fixés pour objectif non seulement d'infliger des dommages stratégiques à la Russie, mais aussi de déstabiliser notre espace eurasien commun.

La Russie respectait toujours ses obligations alliées, respectait l’État arménien et n’a jamais placé la république devant un choix: avec nous ou contre nous. Moscou aidait et continue de fournir une aide à grande échelle à l'Arménie fraternelle dans les domaines de la sécurité, de l'économie et de la culture. En automne 2020, les efforts de la Fédération de Russie et du Président Vladimir Poutine en personne ont permis d’empêcher la défaite totale de l’Arménie. Si Nikol Pashinyan avait accepté une trêve quelques semaines plus tôt, la défaite aurait été moins grave. Enfin, l'activité courageuse des casques bleus russes au Haut-Karabakh, parfois au prix de leur propre vie, est une confirmation directe de l'engagement de la Russie à remplir sa mission extrêmement difficile dans l'intérêt de l'instauration de la paix entre les peuples azerbaïdjanais et arméniens, dont Nikol Pashinyan a choisi de garder le silence.

Notre pays, malgré les signaux de plus en plus fréquents sur la création de difficultés artificielles pour les entreprises russes dans la république, poursuit fermement la voie du renforcement des liens économiques et d'investissement avec l'Arménie, tant au niveau bilatéral que dans le cadre de l'Union économique eurasiatique. Aujourd'hui, ils font preuve d'une dynamique record, contribuant à la croissance impressionnante de l'économie arménienne et du bien-être des citoyens.

La Russie plaide fermement pour le renforcement de l'espace culturel et éducatif commun avec l'Arménie malgré les tentatives de différents représentants arméniens d’entraver l'avancement des projets mutuellement bénéfiques dans le domaine humanitaire.

Dans les affaires régionales, Nikol Pashinyan, au lieu de respecter l'accord entre les dirigeants de la Russie, de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie de novembre 2020 visant à laisser la décision sur le statut du Haut-Karabakh aux générations futures, a succombé aux exhortations de l'Occident. Prague et Bruxelles ont décidé d'agir sur la base de la Déclaration d'Almaty de 1991, reconnaissant la souveraineté de l'Azerbaïdjan sur le Haut-Karabakh. Cela a fondamentalement modifié les conditions de signature de la déclaration trilatérale du 9 novembre 2020, ainsi que le statut du contingent russe de maintien de la paix. En raison de la myopie des dirigeants arméniens, il n'a pas été possible de mettre en œuvre un certain nombre d'accords dans le domaine du renforcement de la sécurité de l'Arménie. En particulier Nikol Pashinyan n'a pas signé la décision déjà convenue par tous les ministres des Affaires étrangères des six pays à envoyer une mission d'observation de l'OTSC dans les régions de la république limitrophes de l'Azerbaïdjan.

La situation a également été exacerbée par le déni obstiné d’Erevan de la présence des forces armées arméniennes au Haut-Karabakh après le 9 novembre 2020, ce qui est devenu l’une des principales causes de la dernière escalade de septembre. L'accord conclu le 20 septembre grâce à la médiation du contingent de maintien de la paix russe sur le retrait des unités arméniennes restantes et le désarmement complet de l'Armée de défense du Haut-Karabakh avec le retrait des équipements lourds et des armes a révélé la réalité et créé les conditions préalables à une désescalade durable.

En grande partie à cause de la position contradictoire des dirigeants arméniens, qui ont préféré se tourner vers l'Occident au lieu d'un travail rythmé avec la Russie et l'Azerbaïdjan, la mise en œuvre de l'ensemble des accords trilatéraux au plus haut niveau pour 2020-2022 est restée au point mort.  Un temps précieux a été perdu, pendant lequel des progrès significatifs auraient pu être réalisés en termes d'accord sur un traité de paix, de délimitation de la frontière et de déblocage des communications régionales, qui seraient devenus des facteurs de sécurité supplémentaires pour l'Arménie. Il convient également de noter que lors des réunions susmentionnées de Prague et de Bruxelles sous l’égide de l'Union européenne, le Premier ministre arménien, tout en reconnaissant l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan, n'a pas évoqué les droits et la sécurité des Arméniens du Karabakh. Même aujourd'hui, nous ne voyons pas un grand intérêt de la part d'Erevan pour aider à résoudre les problèmes urgents au Haut-Karabakh - nous parlons de créer des conditions favorables au respect du cessez-le-feu, d'améliorer la situation humanitaire et d'établir un dialogue durable entre Bakou et Stepanakert.

Cette approche irresponsable de l’équipe de Nikol Pashinyan a provoqué un mécontentement compréhensible au sein d’une partie de la société arménienne, qui s’est exprimé par des protestations populaires. Bien entendu, les allégations selon lesquelles elles auraient été inspirées par la Russie n’ont rien à voir avec la réalité. Le chef du gouvernement arménien doit être bien conscient que Moscou ne pratique pas de telles choses - contrairement à l'Occident qui est assez habile dans l'organisation de "révolutions de couleur", mais qui, par une étrange coïncidence, a choisi de ne pas remarquer les nombreux faits de persécution des manifestants par les autorités d'Erevan. Parallèlement, il est de notoriété publique que l'ambassadeur américain entretient des contacts étroits avec le gouvernement. Dans ce contexte, une véritable bacchanale antirusse s’est déroulée dans les médias arméniens clairement à l’instigation des autorités.

Nous sommes convaincus que les dirigeants d’Erevan commettent une grave erreur en essayant délibérément de détruire les liens multidimensionnels et séculaires entre l’Arménie et la Russie et en faisant du pays un otage des jeux géopolitiques de l’Occident. Nous sommes convaincus que l’écrasante majorité de la population arménienne en est consciente. »