Moscou : figure de style ou reprise en main ?

Actualité
17.07.2023

Tandis que des milliers de Kharabatsis réclamaient, samedi 15 juillet, la réouverture du Corridor de leur survie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et l'Europe d'un côté, Moscou et Bakou de l'autre, surtout, se livraient à d'intenses tractations politiques.  

 

La communiqué de Charles Michel au sortir de la réunion de Bruxelles samedi 15 juillet était aussi fourni et détaillé que celui d'Erevan était court et succinct. Ils étaient néanmoins tout aussi dénués l'un que l'autre de la moindre information quant aux tractations effectivement menées - les avancées, faut-il espérer -. Tout cela n'a cependant pas empêché le président du Conseil de l'Europe de qualifier cette dernière réunion tripartite Arménie-Azerbaïdjan-Europe de très constructive.

Car en dépit des apparences, le rendez-vous de Bruxelles n'était peut-être pas un énième coup d'épée dans l'eau. Son compte-rendu, complet et méthodique tel que l'a dressé le président du Conseil de l'Europe, n'est en effet guère éloigné de ce que tout le monde pressent comme la trame du futur traité de paix. Et Moscou en premier qui, sentant le règlement du conflit lui échapper, a réagi par la voix de son ministère des Affaires étrangères, au moment même où Nikol Pashinyan, Ilham Aliyev et Charles Michel s'apprêtaient à entrer en réunion à Bruxelles.

« En octobre 2022 et mai 2023, lors des sommets sous les auspices de l'Union européenne, l'Arménie a reconnu le Haut-Karabagh comme faisant partie du territoire de l'Azerbaïdjan. Nous respectons la décision souveraine des dirigeants arméniens, cependant, cela a radicalement changé les conditions fondamentales dans lesquelles la déclaration des dirigeants de la Russie, de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie du 9 novembre 2020 a été signée, ainsi que la position du contingent russe de maintien de la paix déployé dans la région. Nous pensons que dans ces conditions, la responsabilité du sort de la population arménienne du Karabagh ne doit pas être transférée à des pays tiers. ».

Le communique souligne la nécessité « de préparer immédiatement un traité de paix entre Bakou et Erevan », Moscou se tenant à la disposition des chefs d'État arménien et azerbaïdjanais pour accueillir d'ultimes pourparlers et signer enfin ce document.  « Il est préoccupant qu'aujourd'hui la situation autour du Haut-Karabagh évolue selon un scénario négatif. […] Cela peut entraîner les conséquences les plus dramatiques pour les Arméniens du Karabagh - résidents ordinaires de la région ».

Pressé de prendre « des mesures urgentes pour débloquer immédiatement le corridor de Lachin, [… et]  fournir de l'énergie à la région », l'Azerbaïdjan fait part de son «incompréhension et déception » face à la déclaration de la Fédération de Russie, la jugeant « incompatible avec la déclaration sur la coopération mutuelle » entre les deux pays. « Il est inacceptable que le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie interprète et conditionne l'intégrité territoriale et la souveraineté de la République d'Azerbaïdjan dans le contexte du fait que le Premier ministre arménien, qui occupe nos territoires depuis près de 30 ans, reconnaît le Karabagh comme faisant partie de l'Azerbaïdjan ».  

Bakou ne manque également pas d'accuser Erevan, une nouvelle fois, de s'être servi de la route de Latchine pour fournir un soutien militaire aux autorités du Karabgah ainsi que d'entraver les communications entre les régions occidentales d'Azerbaïdjan et la République autonome du Nakhitchevan.