La conversation téléphonique entre Nikol Pashinyan et Recep Tayip Erdogan le 11 juillet, une première officielle entre les deux hommes d'état, laisse la classe politique arménienne sur sa réserve.
Par Olivier Merlet
Après trente années de rupture diplomatique et alors que les frontières demeurent fermées à leurs propres ressortissants, les dirigeants turc et arménien ont symboliquement avalisé la reprise du dialogue entre leurs deux pays, en cours depuis plusieurs mois. Se congratulant mutuellement à l'occasion de l'Aid El Kebir en Turquie et du Vardavar arménien dans une dizaine de jours, le Premier ministre arménien et le président turc ont exprimé l'espoir que les accords conclus lors de la réunion des représentants spéciaux de leurs pays le 1er juillet seront bientôt mis en œuvre.
La classe politique arménienne se fait discrète quant à l'évènement et la presse locale ne rapporte guère que les propos habituels de certains politologues spécialistes des questions turques. Certainspensent voir dans ce rapprochement l'ouverture d'une deuxième étape du processus des négociations arméno-turques, une phase « des petits pas » selon Ruben Safrastyan, professeur spécialiste des études turques à l'université d'État d'Erevan. Pour le turcologue, ils s'apparentent à des demi-mesures permettant à la Turquie de gagner du temps et visant essentiellement à maintenir la pression sur la partie arménienne dans le processus en cours de ses négociations avec l'Azerbaïdjan. Quant aux réactions de la rue, elles semblent comme toujours très partagées mais peu mitigées, un sondage publié par le journal Azatutyun faisant surtout état de mefiance et de perplexité.
Les principales réactions officielles suite a cet échange viennent en fait de Turquie. Mgr Sahak Machalian, patriarche arménien d’Istanbul a tout d'abord publié une déclaration saluant « L’entretien téléphonique entre le Président de la Turquie Recep Erdogan et le Premier ministre de l’Arménie Nikol Pachinian [comme] un cadeau de fête qui a ravivé les espoirs de paix de notre monde, entouré de nouvelles de guerre. Je prie pour que triomphent les méthodes pacifiques de la diplomatie, et non les armes, les guerres et les morts. J’espère que cet entretien téléphonique contribuera à ouvrir une nouvelle page d’amitié dans les relations millénaires turco-arméniennes », conclut le communiqué du Patriarcat arménien d’Istanbul.
À son tour, Garo Paylan, le député d’origine arménienne du parlement de Turquie tweetait ce message : « J’espère que la conversation téléphonique entre le président Erdogan et le Premier ministre arménien Pachinian contribuera à activer le processus de normalisation en cours entre les deux pays ».
L'agence de presse russe RIA Novosti citant le 12 juillet une source diplomatique à Ankara, indique qu'une proposition aurait été lancée de tenir une réunion prochaine à Ankara ou à Erevan. « Nous n'avons pas encore reçu de réponse", poursuit le diplomate cité, invoquant la pression de la diaspora arménienne comme l'un des obstacles à la normalisation des relations entre la Turquie et l'Arménie.