Au cours de la première séance des "questions au gouvernement" de la rentrée parlementaire, le Premier ministre, Nikol Pashinyan, a répondu à certaines interrogations des députés sur la menée du processus de paix et d'ouverture des frontières.
Par Olivier Merlet
Après la rentrée parlementaire de ce lundi, les députés de l'Assemblée Nationale étaient réunis mercredi 11 septembre pour la première séance de questions au gouvernement depuis la trêve estivale. « Elle s'est déroulée dans le calme, dans une atmosphère de respect mutuel, constructrice et sans invective malgré les défis bouillonnants autour de l'Arménie » semble presque regretter certains observateurs.
Bien sûr, les "avancées" sur les négociations en cours avec l'Azerbaïdjan ont occupé une large place dans les débats. La veille, le porte-parole de ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères avait de nouveau jugé inacceptable la proposition réitérée du Premier ministre arménien de signer ce que ce dernier considère comme un "accord cadre" sur un traité de paix à compléter ultérieurement.
Le fonctionnaire azerbaïdjanais avait également et de nouveau invoqué le prétexte des revendications territoriales à l'égard de son pays, contenues, selon Bakou, dans la constitution arménienne. Il récusait aussi les interprétations données par Nikol Pashinyan sur la déclaration tripartite de novembre 2020 prévoyant le déblocage des voies de communications régionales et déclarait, à propos des prisonniers politiques encore détenus à Bakou : « l'Azerbaïdjan n'a aucune obligation de libérer les criminels de guerre et les représentants du régime de la junte séparatiste ».
Paix de papier
Dans sa question au chef du gouvernement, Anna Grigoryan, députée "Hayastan", est revenue sur tous ces points : « La question du retour des prisonniers, qui n'est pas reflétée dans le projet d'accord de paix, ce devrait être un principe fondamental. Il m'est difficile d'imaginer signer un traité de paix alors que nos compatriotes, détenteurs de passeports de la République d'Arménie, sont toujours en prison à Bakou. C'est une question de dignité de l'État.
Un autre principe fondamental de ce contrat devrait être l'ouverture des frontières. J'ai une question simple : nos frontières seront-elles ouvertes après la signature ou continuerons-nous à vivre avec des frontières fermées jusqu'à ce que la question séparée des communications soit résolue par des négociations séparées ?
Le troisième principe fondamental, qui aurait certainement dû être inclus dans ce document, devrait concerner le retrait des troupes azerbaïdjanaises du territoire de notre pays. Mais on discute de l'existence d'un processus de démarcation séparé. Quel format prendra-t-il ? Quand aura-t-il lieu ? Il m'est difficile d'imaginer faire la paix avec un pays lorsque ses troupes occupent le territoire souverain de votre pays.
Et bien sûr, il n’y a aucune mention concernant une institution garante [de ce traité, NDLR]. Ce sont au moins les principes de base qui peuvent nous dire que nous pouvons parler de paix sur le terrain, sinon la paix écrite sur papier ne vaut que quelques centimes ».
Retour des prisonniers, garantie internationale pour une « petite pièce »
Le Premier ministre Pashinyan, répondant à la députée, a déclaré que l'objectif principal du traité de paix est l'exclusion de la guerre. « Ce que vous avez mentionné peut avoir ou non un lien direct avec le véritable sens de l'accord de paix. Si vous dites qu’après la signature, les prisonniers ne reviendront pas immédiatement, qu’il y aura une guerre, c’est une fausse logique. J'ai dit à plusieurs reprises qu'aucun territoire souverain de la République d'Arménie n'est sujet à négociation, mais d'un autre côté, j'ai également dit que la République d'Arménie ne poserait pas le problème de la restauration de son intégrité territoriale en termes militaires, car nous voyons qu'il est possible de résoudre cela par des moyens politiques et diplomatiques.
En parlant d'une "institution garante", je dis aujourd’hui qu’il n’y a pas de sujet plus faux que celui-là. Soit nous sommes garants de notre sécurité, soit il n'y a pas de garant, car pour tous ceux dont nous mettons les noms comme garants, nous sommes une petite pièce, nous devons résoudre nos problèmes nous-mêmes. Permettez-moi de dire encore une chose, il y aura plus de bruit, dans un pays comme les États-Unis, après la fin de la guerre du Vietnam, quand est-ce que le dernier prisonnier est revenu ? »
Déclaration tripartite et déblocage des communications
Reprenant la parole, Anna Grigoryan a répondu et a déclaré : « Nous avons des dizaines de citoyens arméniens qui sont en captivité dans les prisons de Bakou. Aujourd’hui, Israël est prêt à toute démarche pour chacun de ses citoyens. Si vous établissez une relation avec quelqu'un, les frontières continueront-elles à rester fermées ? Au nom du "Carrefour de la paix" que personne n'accepte, êtes-vous en train de dire que nous devons rester fermé sans signer ou devez-nous rester fermé en signant dans ces conditions ? »
« L'ouverture des frontières sera le résultat de la paix et ne fait pas partie du paquet des négociations sur la paix », lui a répondu Nikol Pashinyan, justifiant ainsi de nouveau la décision conjointe prise il y a un mois par l'Arménie et l'Azerbaïdjan de retirer cette question des pourparlers en cours.
Revenant alors sur la déclaration tripartite de novembre 2020 et son article 9 sur le déblocage de « toutes les liaisons économiques et de transport de la région », Nikol Pashinyan a reproché à un « certain nombre de pays » de ne pas avoir bien lu cette déclaration. Il n'y a que deux jours, pourtant, à l'occasion du forum "Dialogue d'Erevan", il s'était lui-même livré à une explication de texte détaillée du document, somme toute personnelle. Soulignant avec justesse qu'il y était écrit que « la garantie de la sécurité des connexions de transport entre les régions occidentales d'Azerbaïdjan et le Nakhitchevan » incombait à l'Arménie, il avait cependant oublié une fois de plus l'alinéa suivant prévoyant que « le contrôle des communications de transport est effectué par les organes du service des gardes-frontières du FSB de Russie ».
Devant les députés de l'Assemblée nationale cette fois, le Premier ministre s'est souvenu de relire ce passage. « Où est-il écrit que ces services de garde-frontières du FSB doivent être présents sur place ? Rien de tel n’est écrit », a-t-il estimé. « Même si l'on tient compte de la présence des gardes-frontières russes en République d'Arménie, cette présence est une question contractuelle, une décision de la République d'Arménie. Aujourd'hui, il a été décidé qu'ils étaient présents, demain il sera peut-être décider qu'ils ne seront plus présents ».
Évoquant enfin la construction de cet axe Bakou-Nakhitchevan, « convenue par accord entre les parties », le Premier ministre a fait savoir que son gouvernement avait transmis un projet de décision rejeté par l'Azerbaïdjan qui devait résoudre ce problème. « Ils disent qu'ils n'utiliseront pas ces routes. S’ils ne veulent pas les utiliser, pourquoi devrions-nous faire une dépense inutile ? »