C’est en 2023 que l’association de l’Œuvre d’Orient a décidé d’ouvrir un bureau permanent en Arménie. L'association chrétienne avait d’ores et déjà fourni de l’aide aux Arméniens et avait participé à de nombreux projets en faveur de la population arménienne et ses congrégations religieuses, en particulier pour les plus vulnérables.
Le Courrier d’Erevan a pu s’entretenir avec Luc et Blandine Boureau, qui se sont vu attribuer la mission de développer des projets et partenariats pour l’Œuvre d’Orient en Arménie. Auparavant en mission en Irak avant d’atterrir à Erevan, ils ont pu revenir sur les liens historiques entre l’Œuvre d’Orient et l’Arménie, et ont également détaillé les actions et projets en cours et à venir de l’association.
Par Paul Loussot
L’Œuvre d'Orient : Un soutien historique aux chrétiens d’Arménie
Depuis plus de 170 ans, l’Œuvre d'Orient travaille efficacement aux côtés des chrétiens d'Orient, de l’Égypte au Liban, en passant par l’Arménie. En dépit des crises et des bouleversements géopolitiques, l'organisation continue de soutenir sans relâche les communautés chrétiennes, qu’elles soient catholiques, orthodoxes, protestantes ou apostolique comme l’Eglise Arménienne, souligne Luc Boureau.
Dans un pays où 97% de la population est chrétienne, l’Œuvre d'Orient se distingue par sa volonté de travailler main dans la main avec les différentes communautés religieuses. L’Arménie compte trois principales confessions chrétiennes : l'Église apostolique arménienne, qui représente 92% de la population chrétienne, mais aussi l'Église catholique arménienne et l’Église protestante arménienne. ‘L’Oeuvre d'Orient soutient ces communautés sans distinction de rite, fidèle à sa mission de solidarité interconfessionnelle.
L’histoire de l’Œuvre d'Orient en Arménie remonte au XIXe siècle. Lors des massacres hamidiens de 1894-1896, puis du génocide arménien de 1915, l’Œuvre d’Orient, sous la direction de Mgr Félix Charmetant, s’est engagée activement pour soutenir les victimes et dénoncer l’atrocité des massacres commis par les ottomans. Dès lors, l’Œuvre d'Orient a fait partie intégrante de l'aide humanitaire en faveur des Arméniens, persécutés. Bien que les années suivantes aient été marquées par une présence plus intermittente et plus discrète, l’association est revenue en force après la guerre de 44 jours, déclenchée par l’attaque azerbaïdjanaise du 27 septembre 2020.
Aide d’urgence et soutien à long terme
En 2020 donc, l’Œuvre d'Orient a lancé une série de missions d’urgence en Arménie et en Artsakh (Haut-Karabagh), suite au conflit qui a défiguré la région et meurtri les populations arméniennes autochtones. L’aide apportée a été essentielle pour répondre aux besoins immédiats des populations touchées, notamment pour la reconstruction des logements et des édifices religieux. À Erevan, l’Œuvre d'Orient a également contribué à la mise en place d'un centre de rééducation pour les blessés de guerre, afin de soulager les souffrances physiques et émotionnelles des soldats et civils touchés par le conflit.
Mais l’action de l’Œuvre d’Orient ne se limite pas aux interventions d’urgence. Depuis son retour en Arménie, l'organisation s’investit dans des projets de long terme, favorisant l’éducation, la santé et la préservation du patrimoine. En 2023, elle a consacré 1,1 million d’euros à des actions sur le terrain, en partenariat avec des diocèses, des communautés religieuses et des acteurs locaux. Les liens tissés avec les acteurs locaux arméniens par Luc et Blandine Boureau permettent le développement de futurs projets, cela avec l’accord des responsables de l’Œuvre d’Orient :
« Notre mission est de nouer des liens avec des congrégations, comme celles des sœurs de Gyumri par exemple, ainsi qu’avec d’autres acteurs locaux. Ensuite nous faisons remonter à Paris nos projets, qui décide si oui ou non il est envisageable de poursuivre ces initiatives sur le moyen/long terme ».
Une action multidimensionnelle : éducation, soins et culture
Les domaines d’intervention de l’Œuvre d'Orient en Arménie sont multiples. L’association soutient l’éducation, avec des projets d'écoles et de formations professionnelles, afin de renforcer la résilience des jeunes générations face aux défis économiques et sociaux. A titre d’exemple, l’Œuvre d’Orient a participé au financement des locaux du Centre Entanik de Gyumri, qui accueille et forme aujourd’hui 250 jeunes à des métiers différents et variés.
L'organisation intervient également dans les soins et l'aide sociale, en particulier auprès des populations vulnérables, des personnes âgées et des réfugiés d’Artsakh, qui vivent pour beaucoup dans des conditions encore très précaires en Arménie (notre article à ce sujet ici). Comme l’explique Blandine Boureau, les partenaires de l’Œuvre d’Orient redoublent d’effort pour identifier les familles réfugiées, leur accorder les soins nécessaires, poursuivre leur intégration en Arménie ainsi que pour les accompagner sur le marché de l’emploi, qui est aujourd’hui l’un des principaux défis auxquelles font face les réfugiées d’Artsakh dans leur grande majorité. Blandine Boureau souligne également l’importance d’accorder une aide psychologique aux artsakhiotes, dont beaucoup souffrent de graves séquelles liées à leurs conditions d’exode extrêmement difficiles.
Les liens tissés par l’Œuvre d’Orient permettent également à d’autres associations arméniennes locales de venir en aide aux citoyens les plus vulnérables, notamment dans les marzer (մարզեր : unités administratives arméniennes comparables aux régions françaises) du Tavush et du Syunik.
Le volet culturel et patrimonial est également au cœur de l’engagement de l’Œuvre d'Orient: dans un pays qui a vu sa culture et son patrimoine détruits et pillés au fil des siècles de conflits, la préservation de ce patrimoine revêt une importance capitale. l’Œuvre d'Orient avait ainsi contribué à la création du centre culturel français de Stepanakert, capitale de l’Artsakh.
L’avenir de l’Arménie : un défi collectif
L’Arménie reste un pays profondément attaché à ses racines chrétiennes et à son identité culturelle. La constitution arménienne reconnaît l’Église apostolique arménienne comme un pilier fondamental de la culture nationale. C’est dans ce contexte que l’Œuvre d'Orient continue son action, aux côtés des autorités locales, des communautés religieuses et des ONG, pour aider l’Arménie à se reconstruire et à relever les défis du XXIe siècle.
L’action de l’Œuvre d'Orient en Arménie, qui ne cesse de se renouveler et de s’adapter aux besoins des populations, montre l’importance d’une aide humanitaire respectueuse des identités locales. Ce soutien, qu’il soit d’urgence ou de longue durée, témoigne de la solidarité indéfectible de l’organisation envers un peuple qui, plus que jamais, doit faire face aux enjeux de la guerre, de la reconstruction et de la préservation de son patrimoine unique, en étant entourés d’Etat belliqueux ne souhaitant qu’une chose : sa disparition.
Ainsi par exemple, des femmes réfugiées ont créé avec l’aide financière de l’Œuvre d’Orient un jardin d’enfants à Abovyan pour permettre aux familles de trouver du travail et devenir plus autonomes. Ce jardin d‘enfants a redonné le sourire aux mamans et à leurs enfants.
Les journalistes et les traducteurs déplacés d’Artsakh ont travaillé au sein de la rédaction du Courrier d’Erevan, immédiatement après leur arrivée en Arménie.
A Eghegnadzor, une association venant en aide aux femmes d’Artsakh ont pu mettre en place des ateliers et des groupes de parole pour contribuer à redonner le sourire à des réfugiées, cela avec l’aide et les conseils de Luc et Blandine Boureau.
Un engagement sans fin
L’Œuvre d'Orient, par son action déterminée, reste un partenaire incontournable pour les chrétiens d'Arménie, aujourd’hui comme hier. À travers ses projets, l’organisation met en lumière un aspect essentiel de son travail : apporter une aide tangible, concrète, et durable, dans un contexte où les crises humanitaires et les défis à relever sont immenses. L’Arménie peut compter sur cette solidarité internationale pour continuer de se développer et faire vivre ses traditions chrétiennes, face aux menaces panturques et néo-ottomanes de Bakou et d’Ankara.