« Aux armes, citoyens ! », les civils apprennent à manier des armes en Arménie

Société
30.09.2022

Entraînement au tir, maniement des armes, initiation tactique, aide médicale, règles de sécurité... VOMA et Azatazen, deux associations de défense ouvertes aux civils donnent aux citoyens la possibilité de maîtriser les règles de base du combat, mais aussi de remonter le moral et se nourrir de l’esprit de lutte pour la défense de la patrie.

Par Lusine Abgaryan

Bien que l’État organise régulièrement des exercices militaires destinés aux réservistes, ces organisations contribuent à garantir l’esprit combatif et l'aptitude à la défense des citoyens arméniens, afin qu’ils soient à tout moment prêts à se défendre contre les agressions guerrières auxquelles le pays peut faire face : une autre manière de soutenir l’armée.

Les fondateurs du groupe VOMA, Ողջ Մնալու Արվեստը (Voghj Mnalu Arvesty)  ou "l’art de rester vivant", s’est donné pour mission de former une société apte au combat en Arménie. Créé par Vova Vardanov, fondateur du premier groupe de diversion du renseignement militaire, VOMA organise des camps militaires pour civils à Erevan et en région afin de leur apprendre à chercher et trouver des solutions aux situations de crise. Deux ans après sa création en 2014, la guerre des 4 jours de 2016 s'impose à l'association comme une obligation de former encore davantage ses concitoyens à l’art militaire, les préparer à la guerre… ainsi qu'à la paix.

En 2020, un bataillon VOMA a participé à la guerre de 44 jours. « Les territoires qui nous ont été confiés pendant la guerre sont restés arméniens », dit avec fierté Ishkhan Gévorgyan, commandant des tireurs de ce bataillon. « Pendant 30 ans dans un pays en guerre, il n’y avait aucune possibilité pour un citoyen ordinaire de s’entraîner au tir. Si plus de gens avaient eu la chance de pouvoir le faire, l’issue de la guerre aurait été bien différente. Si au moins nous résolvons ce problème, nous aurons fait une grande chose », ajoute Ishkhan. Programmateur de métier dans le civil, il a fondé l’association Azatazen avec ses amis à son retour du front. Le centre de formation et d'entraînement au tir qu'il a ouvert porte le même nom, Azatazen, traduction arménienne du mot "Fedaï", "celui qui se sacrifie"…

« Azatazen n’est pas un soldat, mais il est prêt à défendre la patrie », explique Hrant Manasyan, l’un des fondateurs de l’association et son directeur actuel. Avec une dizaine d’amis ils avaient développé cette initiative de formation au maniement des armes avec de simples fusils de chasse. Par la suite, des armes de guerre ont été acquises légalement et une formation active a commencé, rencontrant de plus en plus de succès. Aujourd’hui, de nombreuses femmes, et pas seulement des hommes, font aussi partie de l'organisation.

Azatazen existe depuis plus d’un an. Son but initial était de contribuer à la formation et au développement de la culture du port et de l’utilisation des armes en Arménie, de l’armement ainsi qu'aux améliorations législatives pour l’acquisition des armes. Les récentes situations de guerre ont forcé l’organisation à étendre ses fonctions. Désormais, Azatazen donne aux citoyens la possibilité non seulement de s'entrainer au tir, mais aussi d’apprendre la tactique militaire, l’aide médicale, et de savoir gérer différentes situations en temps de guerre.

« En ce moment, nous travaillons tous les jours. Nous avons conçu des cours qui incluent le démontage des armes, la composition d'un sac de terrain - ce qu’il faut toujours emporter avec soi - le maniement des fusils d'assaut et du SVD - le fusil du sniper - et d’autres sujets encore. En conséquence, les gens acquièrent les connaissances de base dans ces domaines », racontent les responsables d’Azatazen.

Suite à la dernière agression déclenchée à grande échelle par l’Azerbaïdjan le 13 septembre sur les frontières arméniennes, les cours sont devenus plus intensifs, aussi bien chez VOMA que chez Azatazen. « Nous ne voulons pas en donner le chiffre exact, mais il s’agit d’un important nombre d’élèves », rapporte-t-on d’Azatazen. Les cours ont lieu tous les jours, de 10h à 19h, ouverts aux participants de tout âge. Le taux d’inclusion de femmes dans les groupes n’est pas significativement inférieur à celui des hommes, elles forment 30 % des effectifs. Chez VOMA, elles en représentent même l'essentiel, leur nombre a décuplé depuis le 14 septembre.

Si les groupes ne comptaient guère plus, jusqu'alors, de 20 à 30 personnes, ce sont plus de 300 personnes aujourd’hui qui fréquentent régulièrement VOMA et plus de 100 inscrits attendent leur tour pour s’entraîner. « L’approche a complètement changé après le 13 septembre, mais ce n’est pas encore satisfaisant. Il faut que les gens se préparent davantage », estime Anguine Khatchatryan, notre interlocutrice au VOMA, chargée des relations publiques. « Les participants sont principalement âgés de 24 à 45 ans. Il y a aussi des mères de soldats tombés qui sont venues et s’entrainent depuis le premier jour », ajoute-t-elle.

Depuis l'agression azerbaïdjanaise à la mi-septembre, des cours accélérés de dix jours ont été lancés. La deuxième session a débuté le 25 septembre. Anguine Khatchatryan reconnaît un soutien financier significatif de la part de la diaspora permettant la gratuite intégrale des cours pour les participants.

Les deux organisations regrettent pourtant la faible participation active et "sur le terrain" de la diaspora, souhaitant que d'avantage d’Arméniens du monde entier se mobilisent pour faire face aux menaces qui planent sur le ciel d’Arménie.