Retour au "Jardin noir"

Arménie francophone
23.07.2024

"Jardin noir" a été présenté le 11 juillet à la Maison du Cinéma d’Erevan, dans le cadre du festival "Golden Apricot". Son réalisateur, Alexis Pazoumian, revient brièvement sur les enjeux d’un documentaire qui retrace les déchirures du peuple d’Artsakh. 

Propos recueillis par Théotime Coutaud

 

Tourné sur quatre années d'entre-guerres de 2016 à 2020, ce long métrage documentaire nous plonge dans la réalité de l'enclave du Haut-Karabakh avant qu'elle ne retombe progressivement sous la coupe azérie. Les conséquences dévastatrices du conflit sont dépeintes à travers le quotidien de deux enfants, Samvel et Avo, ainsi que celui d'Erik, jeune vétéran. tous trois originaires de Talish, un village niché aux confins du district de Mardakeet, à quelques kilomètres de l'Azerbaïdjan.

Pendant ces quatre années de répit, ce village, détruit en 2016 puis reconstruit (il sera de nouveau détruit et finalement perdu en 2020), demeure une fragile oasis en proie aux tourments du conflit tridécennal. Le documentaire explore de manière poignante le lien intime entre les corps et les territoires, mettant en lumière la résilience des habitants face à la brutalité de la guerre. 

Trois années plus tard, le 19 septembre 2023, Bakou mène une offensive éclair et finale au Haut-Karabakh, entraînant l’exode massif de ses 100 000 habitants vers l’Arménie. La totalité du territoire passe définitivement sous le contrôle de l'Azerbaïdjan. Au regard de ces événements tragiques, la portée mémorielle de ce film devient d’autant plus puissante.

 

Avant de devenir un documentaire, "Jardin noir" était un projet photographique. Qu’apporte de plus ce format documentaire ?

Effectivement, le projet était initialement un projet photo. J'ai découvert Talish en 2016., après la guerre des 4 jours. Depuis, j'ai photographié la région sous toutes les coutures jusqu'à l'exode des Arméniens en septembre dernier. Le documentaire est vraiment différent car il raconte le territoire et les événements tragiques sur quatre années à travers le point de vue d'enfants et d'un jeune soldat. Il est donc plus intimiste. Le projet photo est plus général, je ne me suis pas imposé de contraintes.

 

Pourquoi le parti-pris de l’enfance ?

Je trouvais intéressant de raconter la guerre et ces événements tragiques à travers le regard d'enfants et leur innocence. Les enfants sont conscients de tout, mais pour eux, cela devient une normalité car leurs parents et grands-parents ont également connu la guerre. Leur intimité, leurs rires, nous touchent et sensibilisent le spectateur qui peut plus facilement s'identifier, je trouve.

 

Que deviennent les protagonistes du film ?

Les enfants et Erik sont en sécurité à Erevan. L'un des enfants est resté bloqué pendant neuf mois dans le Haut-Karabakh et a réussi à sortir en septembre dernier.

 

Comment le public européen et la diaspora arménienne ont-ils réagi ?

Les gens ont très bien réagi. C'est un documentaire qui explique bien la situation politique sur quatre années. Cette guerre est très méconnue, donc ce film apporte un éclairage sur le conflit. Le documentaire a été diffusé à Paris, à Copenhague, en Inde, en Italie, en Pologne, à Erevan, donc, et bientôt à Los Angeles.

 

Comment avez-vous vécu l’évolution du conflit pendant et après la réalisation du documentaire ?

Je l'ai mal vécu, comme tous les Arméniens, mais je l'ai vécu à travers les personnages que je suivais, donc d'une autre manière, je pense.

 

Que faire contre le relatif oubli ou silence politico-médiatique qui s'est abattu sur le Haut-Karabakh ?

Il n'y a rien à faire à part être dans l'action permanente et se battre avec nos armes : la communication, la politique et l'art.

 

Quelle est la suite pour "Jardin noir" ?

La suite est la publication d'un livre à l'automne prochain et j'espère de nombreux festivals aux quatre coins du monde.