Pour sa rentrée, Re-Shkola se penche sur la ville de Gyumri

Société
21.10.2024

Le vendredi 18 octobre, était organisée la conférence inaugurant une nouvelle année à “Re-Shkola”. Relocalisé à Erevan depuis l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, ce programme de coopération éducatif et architectural de préservation du patrimoine entame sa troisième année universitaire au sein de l’Université nationale d’Architecture et de construction d’Arménie (UNACA).

 

Par Ninon Brenans et Paul Loussot

Nariné Tyutcheva, architecte-restauratrice de renommée internationale, experte ICOMOS ayant reçu la nationalité arménienne en 2022 et fondatrice de cette école unique, insiste sur la pluridisciplinarité nécessaire à la formation des architectes de demain. Au sein de “Re-Shkola”, les étudiants sont également accompagnés par des spécialistes en sociologie, en histoire, en ethnographie ou bien en économie. En effet, pour Arev Samuelian, responsable du service international de l'UNACA architecte et enseignante, la sauvegarde du patrimoine n’est pas que le fait des architectes, mais trouve des dimensions socio-économiques, qui se doivent d’être traitées sur un pied d’égalité. “On pense souvent que le patrimoine est très cher à sauvegarder, que cela coûte moins cher de construire du neuf, mais ici on apprend l’économie des chantiers. Ici l’économiste apprends à agir comme un sociologue et comme un architecte”.

C’est donc d’une manière interdisciplinaire et novatrice que ce programme veut tourner ses élèves vers le futur de la restauration architecturale en Arménie. 

D’abord fondée en Russie, “Re-Shkola” s’illustre également par son partenariat avec avec la très prestigieuse l’Ecole de Chaillot, spécialisée dans la restauration du patrimoine, créée par l’architecte Anatole de Baudot en 1887 à Paris. Cette coopération permet aux étudiants de bénéficier d’un triple diplôme : de l’université d’Architecture et de construction d’Arménie, de l’école “Re-Shkola” ainsi que de l’Ecole de Chaillot. La formation est accessible dès l’obtention d’une licence universitaire. Toutefois, les étudiants participant au programme sont triés sur le volet : la promotion 2024-2025 accueille 13 élèves rigoureusement sélectionnés. Ils sont accompagnés par 38 experts en architecture et en sciences humaines, ainsi que par 4 alumnis de “Re-Shkola”.

Pour cette année, l’école a choisi de se concentrer sur la ville de Gyumri, dans le Shirak, deuxième ville d’Arménie la plus peuplée derrière Erevan. Comme l’explique Arev Samuelian, ce projet est motivé par l’histoire de Gyumri, tristement célèbre pour avoir été l’épicentre du tremblement de terre de 1988, détruisant alors 60% de ses infrastructures.

 

“Ce qui est intéressant à Gyumri, c’est les bâtiments, les immeubles dans leur ensemble, le tissu urbain de la ville”

 

Ainsi, il est primordial de restaurer les constructions portant encore les stigmates du terrible tremblement de terre de 1988, et de redorer certaines parties de la ville laissées à l’abandon. Arev Samuelian explique en effet que le patrimoine de Gyumri est particulièrement riche ; un centre-ville historique, et 1000 hectares, bénéficiant du statut de musée réserve, et accueillant les bâtiments et édifices ayant subsisté au drame, datant du XIXe siècle pour la plupart. Ancienne ville industrielle de la période soviétique, ayant connu une baisse drastique d'activité depuis les années 1990, Gyumri s'illustre pas un tissus urbain développé, et très riche en patrimoine ; sa rénovation et la restauration de ses édifices historiques constitue de fait un enjeu clé dans le développement futur de la ville, et dans le pansement des plaies laissées par le tremblement de terre. Le maire de la ville - Samvel Balasanyan - a accueilli de manière très positive le projet de l’école de centrer ses apprentissages sur la ville et laisse planer la possibilité d’une plus ample collaboration dans le futur.

Les projets de Re-Shkola, s’ils sont émis dans un cadre scolaire, trouvent quand même un impact tangible. En effet, le travail de recherche fourni lors de la première année en Arménie, sur le quartier vernaculaire de Kond dans le centre d'Erevan, a permis de fournir des documents utilisés en 2021 pour l’organisation du concours international pour la "réhabilitation et la régénération du quartier de Kond". D’autres travaux ont également été utilisés dans la création d’un dossier visant à élever le monastère de Tatev au rang de patrimoine mondial de l’UNESCO.

 

L’école propose pour ses apprenants une formation à distance, avec des semaines de cours intensifs à Erevan et à Gyumri. Dans sa formule innovante, Re-Shkola divise en deux modules ses apprentissages ; une première partie d’analyse sociale, géographie, urbaine du territoire, pour poursuivre dans un second temps de manière concrète, à l’échelle architecturale, au plus près des bâtiments sur le terrain.

 

En unissant passé et avenir à travers la restauration, Re-Shkola ne se contente pas de former des architectes, mais façonne les gardiens d'une mémoire collective, prêts à redonner vie aux pierres anciennes et à bâtir les fondations d'un héritage durable pour les générations à venir.