Ouvrons les parenthèses - Avetik Ishkhanyan

Opinions
16.01.2023

Suite à l'intervention de la présidente de l'Assemblée nationale française devant la presse arménienne, Avetik Ishkhanyan, président du Comité Helsinki d'Arménie et éditorialiste régulier du journal Aravot s'est livré à un exercice original de lecture, " parenthèses ouvertes et entre les lignes", des propos du quatrième personnage de l'État français.

Reprenant les questions posées par les journalistes arméniens à Yaël Braun-Pivet, il éclaire les réponses de cette dernière d'une lumière crue et directe, celle d'un réalisme montant en Arménie, partagé par ceux qui ne se bercent plus des illusions venues d'ailleurs.

 

Question à Yaël Braun-Pivet : Voyez-vous une volonté de dialogue de la part de l'Azerbaïdjan ?

Réponse : Si nous pensions que ce chemin était futile et infructueux, nous ne l'aurions pas suivi. Nous continuons de croire que nous pouvons trouver et construire une solution pacifique ensemble. La France continue à jouer ce rôle car nous sommes aux côtés de l'Arménie.

Entre les lignes : Nous savons que cette voie est vaine et stérile, mais nous n'avons pas d'autre voie, nous ne croyons pas pouvoir trouver ensemble de solution pacifique. La France continue de s'excuser et fait comme si nous étions du côté de l'Arménie.

Question : Qu'Aliyev doit-il faire d'autre pour que l'Occident et la France prennent des mesures claires, notamment des sanctions ?

Réponse : La France est extrêmement active, il ne s'agit pas seulement de déclarations d'intention. Je crois que c'est la bonne voie, celle en tous cas que nous avons choisi d'emprunter, celle d'une médiation la plus active possible et celle d'un soutien le plus indéfectible possible à la République d'Arménie, de nouveau manifesté aujourd'hui par ma présence ici.

Entre les lignes : La France trouve des excuses, et fait comme si elle soutenait activement l'Arménie. Nous n'avons pas d'autre moyen. Enfin, comprenez que l'Azerbaïdjan est un partenaire important pour l'Occident et la France, notamment en termes d'approvisionnement en ressources énergétiques, et nous n'imposerons jamais de sanctions à l'Azerbaïdjan et à Aliyev. Quant à ma visite en Arménie, ce n'est qu'une démonstration pour satisfaire la communauté franco-arménienne.

Question : Si, cependant, Aliyev passe aux opérations militaires, la France passera-t-elle d'un médiateur à un partisan de l'Arménie ?

Réponse : Je ne réponds pas aux questions hypothétiques. Il y a assez à faire avec les faits existants aujourd'hui, il est inutile d'imaginer des situations hypothétiques.

Entre les lignes : Êtes-vous un peuple si naïf et primitif ? Vous n'avez pas compris que vous devez protéger votre pays et vos frontières. Pourquoi un soldat français devrait-il mourir pour un autre pays ? Enfin, souvenez-vous de 1921. Comment la France a abandonné le peuple arménien en Cilicie. Vous n'apprenez rien de l'histoire.

Question : Sachant que le Sénat français a adopté une résolution soutenant l'Arménie, dans laquelle il appelait également à reconnaître l'indépendance de l'Artsakh, la France ne va-t-elle pas faire le premier pas et reconnaître l'indépendance de l'Artsakh ?

Réponse : Quant à la reconnaissance de l'indépendance du Haut-Karabakh, vous connaissez la position de la France et aujourd'hui la France ne reconnaît pas cette indépendance, cela est conforme au droit international auquel nous sommes soumis.

Entre les lignes : Quant à la reconnaissance de l'indépendance du Haut-Karabakh, pesez-vous d'abord cette question. Pour qu'un pays reconnaisse l'indépendance du Haut-Karabakh, l'Arménie devrait le faire en premier. Et votre gouvernement non seulement ne le reconnaît pas, mais a également renoncé au Haut-Karabakh, le considérant comme faisant partie de l'Azerbaïdjan. Bien sûr, le droit à l'autodétermination est considérée comme une partie indissociable du droit international, mais comprenez enfin qu'il existe des intérêts étatiques et nationaux. La France et l'Occident ont reconnu l'indépendance du Kosovo sur la base de leurs intérêts, et la question du Haut- Karabagh ne correspond pas à nos intérêts, car, comme je l'ai mentionné, l'Azerbaïdjan est notre partenaire important.

Question : Du point de vue de la France, quel statut est prévu pour le Haut-Karabakh pour un règlement pacifique ?

Réponse : Notre position est claire, nous n'avons pas reconnu l'indépendance du Haut-Karabakh, et le statut ne doit pas être défini par la France. Elle doit être définie dans le cadre du droit international par différents peuples, et en particulier par différentes parties au conflit.

Entre les lignes : Permettez-moi de répéter encore et encore : la question du statut du Haut-Karabakh dépend avant tout de la position claire de l'Arménie et du Haut-Karabakh. Ne blâmez pas les autres pays pour votre inaction et votre manque de confiance en vous, unissez-vous, faites preuve de persévérance et reconnaissez l'indépendance de l'Artsakh, puis unissez-vous. Ce n'est qu'alors que le droit international et peut-être la France seront de votre côté. Souvenez-vous des paroles de Charles de Gaulle : "Choisissez le chemin le plus difficile et vous n'aurez pas de rivaux." Aujourd'hui, selon mon impression, seul le peuple d'Artsakh est inébranlable et si le peuple d'Artsakh continue sa lutte persistante, il réussira sans aucun doute. Mais je suis surpris par l'attitude du gouvernement arménien, ainsi que par l'attitude du peuple, je ne connais aucun autre État qui laisse ses compatriotes aux caprices de la fortune, sous la menace d'un génocide. Est-ce trahison ou indifférence ? J'ai également été surpris par les visages heureux et souriants des responsables arméniens, comme si tout était merveilleux, il n'y a pas d'Artsakh assiégé, pas de prisonniers arméniens. Que puis-je dire...

Source Aravot