La Cour européenne des droits de l'homme a reconnu les autorités azerbaïdjanaises coupables de torture envers un blogueur et de tentative de meurtre dans une prison de Bakou.
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a déclaré les autorités azerbaïdjanaises coupables d'avoir torturé le célèbre blogueur et journaliste Alexander Lapshin et d'avoir tenté de le tuer dans une prison de Bakou. La décision correspondante de la CEDH a été rendue publique le jeudi 20 mai. Dans le même temps, la Cour de Strasbourg a obligé le gouvernement de Bakou à verser à M. Lapshin une compensation financière d'un montant de 30 000 euros.
« J'attends cette décision depuis près de trois ans, et pendant tout ce temps, je n'ai cessé de recevoir des menaces non seulement de la part d'utilisateurs azerbaïdjanais des réseaux sociaux, mais aussi de la part des fonctionnaires de ce pays », a commenté Alexander Lapshin dans une interview. Selon lui, le « crime » dont il était accusé était uniquement le fait d'avoir visité le Haut-Karabakh. Il a également déclaré qu'il affectera une partie de la compensation à des œuvres caritatives, notamment pour aider les soldats blessés d'Arménie et du Haut-Karabakh. « Je suis journaliste et je vais bien sûr poursuivre mes activités, voyager et parler de tout ce que je vois et ressens, c'est mon travail », a résumé le blogueur.
Pourquoi Lapshin était-il poursuivi ?
En 2011, Alexander Lapshin, citoyen de trois États - Russie, Israël et Ukraine - a décidé de se rendre en tant que touriste dans la République non reconnue du Haut-Karabakh. Auparavant, il avait visité plus de 150 pays sur tous les continents, mais c'est pour un voyage au Karabakh que les autorités azerbaïdjanaises l'ont inscrit sur la liste des personnes recherchées, et ce, cinq ans après ce voyage.
Selon le blogueur, il était évident que les autorités azerbaïdjanaises n'appréciaient pas ses publications sur les réseaux sociaux, qui étaient lues par des centaines de milliers d'abonnés de Lapshin. Le blogueur a été accusé non seulement de franchir illégalement la frontière, mais aussi de « soutenir le séparatisme » et d' « appeler au renversement du gouvernement actuel » en Azerbaïdjan. Le blogueur lui-même souligne qu'il n'a rien à voir avec l'Azerbaïdjan ou l'Arménie et qu'il est loin du conflit du Karabakh.
En 2016, Lapshin a été arrêté à Minsk à la demande de l'Azerbaïdjan, et après deux mois, qu'il a passés dans une prison locale, il a été remis à Bakou sur ordre personnel d'Alexandre Loukachenko. En juillet 2017, un tribunal de Bakou, estimant que les accusations d'appel au renversement du gouvernement et de soutien au séparatisme portées contre le blogueur n'étaient pas prouvées, l'a déclaré coupable de « visite illégale » du Haut-Karabagh. Le procureur général a requis six ans et demi de prison à son encontre, mais il a été finalement condamné à trois ans.
Sept mois derrière les barreaux
Bien qu'Israël, la Russie, l'Union européenne et les États-Unis aient pris la défense du blogueur, celui-ci a passé sept mois dans une prison de Bakou. Il a été torturé, on lui a interdit d'écrire et de lire, et le seul livre qu'on lui a donné était le Coran, bien que Lapshin soit juif par religion. « C'est après sept mois que j'ai été attaqué », a déclaré Alexander Lapshin. Selon lui, il s'agissait d'une tentative de meurtre, bien que les autorités aient cherché à présenter ce qui s'est passé comme une tentative de suicide. Lapshin a passé quatre jours dans le coma. « Ce n'est qu'après cet incident que le président Aliyev m'a gracié, bien que moi-même, comme l'ont écrit les médias azerbaïdjanais, je n'aie pas demandé la grâce », a déclaré M. Lapshin.
Immédiatement après son départ de l'hôpital, les autorités azerbaïdjanaises l'ont envoyé par un vol charter pour Israël. Déjà dans le pays d'origine, l'expertise a confirmé la tentative de meurtre du blogueur. En 2018, Lapshin a porté plainte devant la CEDH, accusant l'Azerbaïdjan d'emprisonnement illégal, de mauvais traitements en prison et de tentative de meurtre.