Le développement durable est une conception de la croissance économique qui s'inscrit dans une perspective de long terme et qui intègre les contraintes liées à l'environnement et au fonctionnement de la société. Wikipedia
Monique Bondolfi-Masraff, présidente de KASA, Lausanne-CH
Au début de la Recherche du Temps perdu Proust évoque un souvenir d’enfant lié à son réveil et que nous pourrions faire nôtre. En effet chaque matin, lorsque nous ouvrons les yeux, nous nous posons, d’une manière ou d’une autre trois questions : il est quelle heure ? Je suis où (chez moi, en vacances…) ? Je suis qui (qu’est-ce qui m’attend aujourd’hui ?). Ces trois questions - quand, où, qui ? - à la fois fondamentales et évidentes, me semblent poser trois repères, qui peuvent servir à cerner la complexité du développement durable.
Le temps : nous sommes invités à travailler dans une perspective longue, garante de sérieux et de respect de nos ressources. Cessons de fabriquer et de vendre des objets vite cassés et périssables, que nous jetterons sans vergogne, réparons tout ce qui peut l’être pour lui donner une nouvelle vie, ayons le courage d’investir notre énergie dans des perspectives plus lointaines au lieu de vouloir tout immédiatement, partant osons patienter, prévoir et anticiper. Bref posons des fondements solides pour ne pas nous retrouver victimes du prochain tremblement de terre, au propre comme au figuré…
Le lieu : il est plus qu’urgent de ménager notre environnement pour ne pas l’épuiser. Acheter durable et si possible de bonne qualité pour éviter de polluer notre ville- et de gâter notre santé ! - avec des matières synthétiques ou chimiques, prévoir un sac pour faire ses courses au lieu d’accepter des emballages en plastique que l’on retrouve éparpillés sur toutes les routes d’Arménie, recycler verre et papier… Acheter local plutôt que fabriqué à 10 000 kms, pour contribuer à diminuer la pollution liée aux transports. Récemment je recevais de belles étoles de laine achetées en Arménie mais indiquées made in China. En réponse à mon étonnement on m’expliqua qu’elles étaient bien fabriquées localement, mais que les Arméniens préféraient acheter ce qui avait une consonance exotique, d’où le fait que le vendeur avait rajouté la première étiquette étrangère trouvée. Sans commentaire !
L’intégration sociale : vers quel modèle social nous dirigeons-nous ? Que nous dit la pub ? Quelle image d’elle-même l’Arménie veut-elle donner ? A un tournant majeur de sa jeune existence, le pays doit s’interroger sur ses priorités. Va-t-il promouvoir une agriculture de qualité, utilisant un minimum de pesticides et de produits chimiques, valoriser son terroir et ses recettes, ou singer la culture occidentale ? Développer une industrie propre et ingénieuse ou épuiser ses ressources ? Encourager des initiatives locales - tourisme alternatif, micro entreprises - ou vouloir à tout prix rivaliser avec un certain luxe bling bling sans caractère ? Préférer des fêtes familiales ou amicales simples, où chacun met la main à la pâte, à des réceptions grandioses mais onéreuses et sans âme ? Chaque fois que j’arrive à l’aéroport et regarde les images qui sont supposées m’introduire dans ce pays je cherche celles qui soulignent l’identité profonde de l’Arménie et les initiatives individuelles - artisanat, art, culture - plutôt que les slogans tapageurs !
Aujourd’hui miser sur le développement durable en repensant globalement sa relation au temps, à l’espace et à la société n’est plus une option à bien plaire, mais une nécessité absolue. Les jeunes du monde entier
nous le rappellent résolument, en interpellant parfois durement mais non sans raison la génération de leurs parents, dont beaucoup ont vécu au-delà de leurs ressources et de celles de la planète. Moins mais mieux, oui, cela vaut le coup !