Les mondes fantasmagoriques d'Albert Merino

Arts et culture
11.07.2024

Le centre d'art contemporain NPAK d'Erevan présente jusqu'au 30 juillet une rétrospective Albert Merino - "Simulacrum Strategies" - où le vidéographe espagnol revient sur quinze années d'exploration des méthodologies créatives de la narration visuelle à travers l'animation.

Par Darya Jumel

 

Pour la première fois de sa carrière artistique, Albert Merino présente une rétrospective de ses quinze dernières années de travail est, et c'est en Arménie que cela se passe ! Du 4 au 30 juillet, le centre d'art contemporain NPAK se métamorphose en un espace sensoriel pour les œuvres du "motion designer" espagnol, l'exposition s'intitule "Simulacrum Strategies". Elle invite les visiteurs à envisager de nouveaux mondes, à la fois familiers et étrangement fantasmagoriques. Les thèmes de l'imaginaire et de l'utopie sont explorés à travers des courts métrages étranges dont la poésie offre parfois à l'absurde, un tout nouveau visage.

Albert Merino est un artiste vidéaste renommé, qui a étudié les Beaux-Arts à Barcelone et en Allemagne à l'académie Kunsthochschule Berlin Weißensee ; il vit aujourd'hui à Lyon. Son environnement quotidien constitue depuis toujours son immédiate et principale source d'inspiration. Le vidéaste à l'œil sociologue explique qu'il s'intéresse aux lieux, à l'effacement de leurs limites, aux portraits urbains ainsi qu'à la mémoire. Cela lui permet ainsi d'explorer la manière dont les gens vivent et interagissent avec leur environnement et leur monde intérieur. Les personnages de ses œuvres sont souvent anonymes et fonctionnent comme une sorte de masse aliénée. Ses dernières œuvres, Bestiari et Sprengungs sont imprégnées de surréalisme. Elles ont été sélectionnées pour faire partie de cette rétrospective. Ce sont des histoires de disparition humaine et d'effacement qui ont pris un sens particulier avec la crise humanitaire du Covid. Au moment où les deux vidéos ont été réalisées, en 2018, le monde était encore tranquille, elles agissent aujourd'hui comme une sorte de préfiguration.

Albert puise son inspiration aussi bien dans l'histoire de la peinture traditionnelle que dans les œuvres de vidéastes contemporains. Il cite ses influences allant de Viola à Matthew Barney, et aux artistes espagnols comme Congost et Escorsa. Selon lui, l'art vidéo présente l'avantage de pouvoir intégrer le mouvement et le déplacement aux éléments plastiques qui demeurent figés. « Lorsque je commence à peindre, je trouve qu'il y a une transition naturelle entre le format pictural et l'écran en mouvement : la vidéo permet de donner vie à un espace qui pourrait initialement sembler vide ». “Simulacrum Strategies” questionne à la fois l'évolution technologique dans la production audiovisuelle et le rôle de l'intelligence artificielle dans la création artistique. « Je préconise une implication humaine plus directe dans la composition artistique, même à l'ère de l'intelligence artificielle, un outil que je ne rechigne pas à utiliser », explique-t-il. L'exposition rappelle l'importance du lien humain dans un monde de plus en plus dominé par la technologie.

Dans un pays comme l'Arménie, marqué par de longues périodes de conflit et des perspectives futures souvent sombres, la capacité à imaginer des avenirs positifs peut s'avérer difficile pour de multiples raisons : psychologiques, sociologiques et cognitives. La venue de l'artiste vidéaste Albert Merino à Erevan offre au public arménien une opportunité audacieuse de découvrir de nouveaux modes créatifs pour sublimer son environnement, celle d'une Arménie transformée, presque utopique. Elle invite également les plus curieux à une introspection sur leurs propres frontières psychiques et sur les possibilités infinies qui résident dans l'imaginaire collectif.

Parmi ses collaborations les plus notables, le peintre vidéaste barcelonais a travaillé avec des plasticiens comme Joachim Dam pour “Fluchtkunst” et des compagnies de théâtre célèbres comme La Fura dels Baus. Il a également exposé individuellement dans des lieux prestigieux tels que l'espace Trapezio à Madrid, la chapelle du Prónillo à Santander, et le Palais de Tokyo à Paris.

Le 12 juillet, Albert Merino sera présent au centre NPAK à partir de 19 heures pour animer plusieurs ateliers et guider les visiteurs au travers de ses œuvres dans des échanges de réflexions personnelles. La rétrospective fermera ses portes le 30 Juillet.