Hopkinson Smith, virtuose du luth et des cordes anciennes, en concert à la Philharmonie d'État dans le cadre de la Saison de la Francophonie a envoûté un public Erevantsi déjà conquis d'avance.
Par Darya Jumel
Dans le cadre majestueux de la salle de concert Arno Babajanyan d'Erevan, une soirée inoubliable a eu lieu samedi 29 mars. Sous les auspices de la Philharmonie d'État d'Arménie et de l'ambassade de Suisse, Hopkinson Smith, considéré comme le meilleur luthiste du monde par le journal San Francisco Chronicle, a enchanté l'auditoire par un concert exclusif. En accueillant des esprits brillants et des talents hors pair, Erevan élève la capitale au rang de joyau culturel, célébrant l'ingéniosité et la créativité qui forgent l'histoire. Mais tout d'abord, retour sur la carrière musicale de ce musicien, et explorons ensemble les délices de la musique de la Renaissance et du Baroque.
"Poète du luth" et de la musique ancienne
Né à New York en 1946, Hopkinson Smith est un musicologue, luthiste et guitariste américain. Il a embrassé une carrière musicale d'une richesse impressionnante. Après des études de musicologie à l'Université Harvard, il poursuit son perfectionnement auprès d'Emilio Pujol, figure éminente de la tradition artistique catalane. Son parcours l'a ensuite conduit à jouer un rôle clé dans la création de Hespèrion XX, un ensemble renommé de musique ancienne et baroque, aux côtés de Jordi Savall, virtuose et chercheur émérite, avec qui il a collaboré pendant près d'une décennie.
Désireux d'explorer de nouveaux horizons musicaux, Hopkinson Smith s'est ensuite tourné vers une carrière solo, se consacrant à l'interprétation magistrale du luth, de la vihuela, du théorbe et de la guitare baroque. Ses enregistrements pour le label Astrée Auvidis Naïve témoignent de son talent exceptionnel et mettent en lumière les répertoires variés des XVIe et XVIIe siècles, allant de la musique française et espagnole à l'allemande, en passant par l'anglaise et l'italienne.
Pendant ses voyages en Europe, il a eu l'opportunité d'explorer différents instruments à cordes pincées. Toutefois, c'est avec son professeur, John Ward, qu'il a approfondi son analyse de la musique ancienne, notamment celle de Francesco de Milena, compositeur illustrant le monde latin de la Renaissance européenne. Cette immersion lui a permis d'acquérir des méthodes précieuses pour appréhender la musique.
Une année sabbatique en Inde a été un tournant décisif dans la carrière d'Hopkinson Smith, l'inspirant profondément et renforçant son lien avec ses instruments. Ce moment de rupture avec un enseignement traditionnel, strict et parfois autoritaire, lui a permis de libérer son processus créatif et d'explorer de nouvelles voies artistiques.
Ainsi, Hopkinson Smith, surnommé le "poète du luth", a dédié sa vie à l'exploration et à l'interprétation des trésors musicaux du passé. Son expertise inégalée embrasse un large spectre de répertoires anciens, reflétant sa passion pour la musique espagnole, française, anglaise, italienne et allemande des XVIe et XVIIe siècles. Son art, polymorphe et évocateur, transcende les frontières du temps, offrant aux auditeurs une expérience musicale d'une rare intensité, tantôt lumineuse et enchanteresse, tantôt teintée d'une profonde mélancolie.
À la rencontre de l'Arménie, berceau de ses premières inspirations
Samedi 29 mars, la salle de concert Babajanyan est pleine à craquer. Chaque siège est occupé par des passionnés de musique venus de tous horizons. Une atmosphère envoûtante et mystérieuse règne dans la salle grâce à l'ambiance feutrée teintée de nuances violettes. Les reflets chatoyants du gigantesque lustre doré au centre de la pièce se mêlent aux teintes pourpres des lumières de la scène. Le concert démarre dans une aura de luxe et d'élégance d'un autre temps. Charles Mouton, Albert de Rippe, Francesco Canova da Milano, surnommé Il Divino, Hopkinson Smith émerveille la salle des œuvres de grands maîtres
Entre deux exécutions, dans un échange chaleureux avec son auditoire, Hopkinson Smith raconte son cheminement musical dont il dévoile une facette émouvante. Il évoque avec tendresse le souvenir de sa première professeure de musique, d'origine arménienne. Cette connexion, établie dès ses débuts dans la musique, a engendré en lui une promesse solennelle : celle de fouler un jour le sol arménien, berceau de ses premières sources d'inspiration artistique.
À la fin du concert, nous rencontrons Anushik Khachatryan, étudiante de 20 ans au conservatoire Komitas d'Erevan. Elle tient entre ses mains un téléphone où s'affiche le selfie pris la veille aux côtés de l'artiste, lors de la master-class qu'il y a donné : « Je suis tellement fière ! Avoir une photo avec lui, ça me donne l'impression que mon travail en vaut la peine, que mes études ont de la valeur. Cela me donne encore plus de motivation ». Pour ces étudiants du conservatoire arménien, le concert ne se limitait pas à une simple représentation, c'était une véritable bouffée d'inspiration et une chance inestimable d'enrichir leur apprentissage musical.
Pour l'Arménie et son histoire millénaire, la préservation et la promotion de la musique ancienne revêtent une importance primordiale. La venue à Erevan d'un prodige tel qu'Hopkinson Smith témoigne de son engagement en faveur de la promotion de la culture sans frontière dans le pays.