L'héritage universel du cinéma arménien

Arts et culture
04.11.2021

Une exposition des affiches des plus grands films du cinéaste Henri Verneuil se tient en ce moment et pour un mois au cinéma Moskva, rue Abovyan à Erevan. À l'occasion de l'hommage rendu au cinéaste franco-arménien aux 40 succès, son fils, Patrick Malakian, avait évoqué le souvenir de son père au cours d'une conférence internationale consacrée à un autre cinéma, beaucoup moins populaire.

Par Olivier Merlet

Ashot Malakyan -Henri Verneuil- aurait eu 100 ans en 2020... L'âge du cinéma arménien… soviétique. C'est justement autour de cette question des "cinémas nationaux" et de leur universalité que le Centre National du Cinéma Arménien (CNCA) a invité critiques, historiens et experts internationaux de l'industrie cinématographique à venir débattre le dernier week-end d'octobre à Erevan.

Traditionnellement considérés comme des phénomènes isolés, d'intérêt principalement local, les cinémas dits "nationaux" - ou "mineurs" - des ex-républiques soviétiques et des diverses communautés de la diaspora, évoluent souvent en marge du cinéma international et éprouvent toujours beaucoup de mal à trouver un retentissement au-delà de leurs frontières. C'est ignorer pourtant les riches processus intellectuels et interculturels qui les ont engendrés.

« Le cinéma arménien historique ne parlait pas seulement d'Arménie, c'est par exemple le premier à avoir produit des films sur le peuple kurde ou sur les Yezidis dont l'on parle beaucoup aujourd'hui. » rappelle Vigen Galstyan, directeur du département du patrimoine cinématographique au CNCA. C'est lui qui a ouvert les débats et interventions de cette conférence. Il poursuit : « Il faut se départir du regard occidental que l'on porte souvent sur ce genre de cinéma et ne pas y rechercher un "cinéma d'auteur" à proprement parler, des films au travers desquels le réalisateur exprime son propre message, ses pensée personnelles. Les "statues du commandeur" que l'on évoque toujours à propos du cinéma arménien, Pelechian, Bek-Nazaryan, Paradjanov, on peut plutôt en parler comme faiseurs d'un cinéma idéologique, politique ou sociologique. Ils étaient tributaires de l'époque soviétique durant laquelle ils ont tourné. »

La singularité du genre et, partant, son insuccès commercial constituent une double peine pour ces cinémas nationaux. « Pour accéder à une diffusion plus large, participer à de grands festivals, des rétrospectives ou simplement pour pouvoir être conservés et projetés dans des conditions acceptables, ces films ont besoin d'être numérisés, restaurés, sous-titrés… » Au-delà des financements qui permettraient d'y remédier, le problème des possibilités techniques est également posé.

Invité exceptionnel de cette conférence, Patrick Malakian, le fils d'Henri Verneuil, réalisateur lui aussi, pour le cinéma et la télévision, viendra évoquer le souvenir de son père a l'occasion de l'hommage qui lui est rendu pendant tout ce mois de novembre au cinéma Moskva. Ambivalence de genres pour un cinéma de réalisateurs arméniens, porteurs de patrimoine et de mémoire culturelle nationale et collective.