Les élections en Géorgie : le parti au pouvoir est gagnant, mais l’opposition n’a pas dit son dernier mot

Région
28.10.2024

Le 26 octobre dernier, la Géorgie a organisé des élections pour sa 11ème assemblée parlementaire, qui compte 150 sièges. A l’issue de la journée, la commission électorale centrale (CEC) a annoncé qu'après dépouillement de 99,646 % des bulletins de vote, le parti au pouvoir, le « Rêve géorgien », l'emportait avec 54,234 % des voix.

 

Par Layla Khamlichi - Riou

Pour ce qui est dess partis d’opposition, la « Coalition pour le changement » a, quant à elle, reçu 10,822% des voix, l'alliance « Mouvement national Uni » - 10,105%, l'alliance « Géorgie forte » - 8,758 %, et le parti « Pour la Géorgie », dirigé par l'ancien Premier ministre Giorgi Gakharia, a obtenu 7,753 % de votes.

Pour la première fois, les élections législatives se sont déroulées selon un système entièrement proportionnel, et environ 90 % des électeurs ont voté à l'aide d'appareils électroniques. Selon la CEC, le scrutin s'est déroulé dans 3 111 bureaux de vote, dont 67 à l'étranger. Le nombre total d'électeurs était de 3 508 294, et 18 entités électorales ont participé aux élections.

 

Une élection volée ?

Cependant, l’opposition n’a pas dit son dernier mot. En effet, la cheffe du Mouvement national uni de l’opposition, Tina Bokuchava, a déclaré un « vol de nos votes », dénonçant plusieurs irrégularités observées à travers le pays. Dans le district de Marneuli, à l’Est du pays, un observateur de l’opposition a filmé comment un autre, également accrédité, a introduit un grand nombre de bulletins de vote dans l’urne et les a poussés à l’intérieur. Dans cette même ville, un observateur de l'opposition a été battu, tandis que des journalistes locaux ont été attaqués par des individus non identifiés. Il y aurait aussi eu des activités d’intimidation des militants du parti au pouvoir, qui dans certaines zones rurales ont été surpris en train d’essayer de payer les électeurs pour leurs suffrages ou de les intimider.

 

Salomé Zourabishvili, ancienne diplomate française devenue ministre des Affaires étrangères, puis présidente de la Géorgie, l'une des opposantes les plus farouches au parti au pouvoir, a déclaré : « Je ne reconnais pas cette élection. Ces élections ne peuvent pas être reconnues. Cela revient à reconnaître l'entrée de la Russie dans le pays, la subordination de la Géorgie à la Russie. Je ne suis pas venu dans ce pays pour cela. Nos ancêtres n'ont pas vécu pour cela et nous ne l'accepterons pas. Personne ne peut priver la Géorgie de son avenir européen ».

 

La présidente géorgienne affirme également que «  l'élection était complètement truquée, que «  la technologie moderne a été utilisée pour blanchir la fraude » et que la Géorgie a été victime d'une « opération spéciale russe de guerre hybride ».

La Société internationale pour des élections équitables et la démocratie (ISFED), une ONG basée à Tbilissi, a déclaré dans un communiqué que « des incidents et des violations ont été enregistrés dans tout le pays au cours du processus de vote ».

Natia Mezvrishvili, l'une des dirigeantes du parti « Pour la Géorgie », a déclaré « Le parti a déjà déposé plainte auprès des autorités compétentes. Conformément à la loi, nous attendrons l’annonce des résultats définitifs. Mais nous ne resterons pas les bras croisés ; nous travaillerons pour fournir toutes les preuves aux observateurs locaux et internationaux ».

« Actuellement, nos données indiquent des résultats bien plus serrés que ceux publiés par la commission centrale », a affirmé Alexander Krevo, porte-parole du Mouvement National Uni, « Tous les sondages de sortie des urnes réalisés pour le compte de l’opposition montraient qu’elle obtenait entre 55 % et 60 % des voix », a-t-il précisé, ajoutant que les chiffres de la CEC « présentent une version différente ».

Les résultats n’ont pas été reconnu par l’opposition : « La CEC a exécuté un ordre malhonnête d’Ivanishvili et a annoncé des résultats qui montrent que l’oligarque a volé la victoire au peuple géorgien, volant ainsi notre avenir européen. Nous déclarons que nous ne reconnaissons pas les résultats de ces élections volées et falsifiées. » a annoncé Tina Bokuchava.

 

Adieu l’Union Européenne ?

La victoire du Rêve Géorgien met effectivement en péril l’adhésion de la Géorgie, ayant obtenu le statut de candidate en 2023, à l’UE. Les relations entre les deux entités politiques étaient déjà fragilisées du fait notamment de deux lois votées cette année : la loi des « agents étrangers » du 28 mai 2024, indiquant que les groupes de la société civile qui reçoivent plus de 20 % de leur financement de l’étranger devront s’enregistrer en tant qu’« organisations servant les intérêts d’une puissance étrangère », et par loi restreignant les droits des personnes LGBT+, adoptée le 17 septembre 2024, interdisant « la propagande des relations homosexuelles et de l’inceste » dans les établissements d’enseignement et les émissions de télévision.

Les résultats de ces élections montrent le rapprochement avec la Russie, grâce à M. Ivanichvili, l'homme le plus riche du pays, ayant fait fortune en Russie, et le fondateur du Rêve géorgien, qui exerce un contrôle personnel important sur le parti, le pouvoir judiciaire et l'État. Le parti a, par ailleurs, présenté les élections comme un choix entre la paix et la guerre, affirmant qu'une victoire de l'opposition entraînerait la Géorgie dans une nouvelle guerre avec la Russie.

Quoiqu’il en soit, même si le président Hongrois Viktor Orban a déjà félicité la victoire du parti du Rêve géorgien, les résultats de cette élection ne devraient pas être reconnus par énormément de pays européens et par l’Union Européenne elle-même.  Antonio Lopez-Isturiz White, député européen, a estimé que ces élections étaient « la preuve » du « recul de la démocratie » en Géorgie. En effet, le parti Rêve géorgien avait promis d'interdire les partis d'opposition et d'empêcher leurs députés de siéger s'il obtenait une majorité suffisante. Le ministre danois des Affaires étrangères, Lars Løkke Rasmussen, a déclaré que « si le parti au pouvoir ne change pas sa ligne de conduite, la Géorgie ne progressera pas sur la voie de l’adhésion à l’UE ». Pour l’instant, Bruxelles a gelé les négociations.

 

Le premier ministre arménien Nikol Pashinian, quant à lui, a félicité le parti gagnant et a annoncé que « le développement continu des relations avec la Géorgie est l'une des priorités de la politique étrangère du gouvernement arménien ».

 

En attendant plus de précisions sur l’avenir de la Géorgie, la « Coalition du changement » a annoncé qu'elle se mettrait en mode protestation illimitée et que plusieurs manifestations auront lieu.

 

Ce soir, le 28 octobre, à 19.00, à l'appel de la présidente georgienne, l'opposition sera rassemblée au centre-ville de Tbilissi pour "protester contre l'élection truquée".