La Galerie Nationale d'Arménie a ouvert ses portes hier, 9 octobre, pour une exposition exceptionnelle qui se tiendra jusqu’à la fin de ce mois, consacrée à deux génies artistiques d'Arménie : le peintre Henryk Siravyan et le cinéaste Sergueï Parajanov.
Par Olivier Merlet
Dans le cadre de l'année Parajanov et du 95e anniversaire d'Henryk Siravyan, l’exposition "Parajanov de Siravyan" propose un dialogue artistique entre ces deux figures majeures de la culture arménienne, à travers une collection de plus de cinquante peintures et œuvres graphiques. Elles proviennent de diverses collections et offrent une vision intime du cinéaste à travers l'œil sensible de Siravyan. Ce dernier, connu pour ses portraits vibrants, parvient à capter le dynamisme de ses sujets, rendant à travers ses toiles la vitalité des personnages qu’il immortalise.Reconnu "artiste émérite d'Arménie", lorsque celle-ci était encore soviétique, Syravian brosse des portraits où chaque trait de pinceau semble animé par une force qui transcende le temps et l’espace, donnant vie aux toiles. Ses portraits de Parajanov en sont un exemple frappant : ils traduisent non seulement les émotions complexes du cinéaste, mais aussi l’âme même de l’artiste qui, à travers ses œuvres, explore l’essence d’un homme au destin hors du commun.
Sergueï Parajanov, réalisateur légendaire et figure de proue du cinéma d’avant-garde, a profondément marqué Siravyan. Les deux hommes, bien que ne se considérant pas comme amis proches, partageaient une admiration mutuelle. Siravyan évoquait cette relation particulière en ces termes : « Nous n'étions pas amis, mais nous nous rencontrions souvent. J’ai immédiatement accepté son esthétique, et je l’ai compris en tant qu’individu et artiste ». Il a aussi su capturer les multiples facettes du créateur hors norme, connu autant pour son génie artistique que pour les épreuves qu’il a traversées, emprisonnement, persécution, et marginalisation. Les peintures de Siravyan dépeignent Parajanov comme l'être complexe qu'il était, où cohabitent colère, admiration, joie et souffrance.
Dans une de ses toiles emblématiques, Henryk Siravyan place le réalisateur allongé sous une porte, au centre de l'univers en d'autres termes, illustrant la puissance et l’ampleur de son influence artistique. La grenade, symbole d’unité universelle, selon Parajanov, est également un élément récurrent dans les œuvres du peintre. D'autres symboles tels que des foulards ou la fameuse couronne d’épines, par laquelle le cinéaste exprimait à la fois la douleur de ses années de prison et sa renommée mondiale, viennent enrichir la la vision singulière de Siravyan, qui, à travers son art, donne à voir un Parajanov multicolore, tour à tour passionné, hors de lui ou mélancolique.
L’exposition reflète le travail minutieux et dévoué du peintre qui n’a jamais recherché la gloire; malgré une carrière marquée par de nombreuses distinctions. Son œuvre est aujourd’hui exposée dans les plus grands musées d’Arménie, de Russie et d’Ukraine, ainsi que dans des collections privées à travers le monde.L'exposition "Parajanov de Siravyan" est accompagnée d’un catalogue trilingue (arménien, anglais et russe) et offre aux visiteurs une plongée unique dans l’univers de ces deux artistes visionnaires. Une invitation à célébrer l’art sous toutes ses formes, à travers les regards croisés de deux géants de la culture arménienne.
