Par 256 voix sur 256, l'Assemblée nationale française adopte, à l'unanimité donc et en première séance, la résolution n° 37 exigeant « la fin de l’agression de l’Azerbaïdjan à l’encontre de l’Arménie et visant à établir une paix durable dans le Caucase du Sud ».
15 jours après l'adoption par le Sénat d'une résolution visant à appliquer des sanctions à l’encontre de l’Azerbaïdjan, l'Assemblée nationale française était appelée à se prononcer sur le texte déposé par neuf députés de la majorité présidentielle. Anne-Laurence Petel, députée des Bouches-du-Rhône et principale rédactrice du texte en a donné une lecture vibrante, chaudement applaudie par les députés de tout bord et toutes tendances confondues. Neuf d'entre eux se sont succèdes à la tribune, leurs interventions sont disponibles sous ce lien. L'ambassadrice de la république d’Arménie en France, Hasmik Tolmajian, était aussi présente dans l'hémicycle.
Tout comme celui adopté par le Sénat le 15 novembre, « ce texte, d’initiative parlementaire ne constitue pas une position officielle du gouvernement français et a été adoptée en toute indépendance, conformément au principe de séparation des pouvoirs » souligne toutefois le ministère français des Affaires étrangères.
L’Assemblée nationale,
Considérant que les agressions répétées des forces militaires de l’Azerbaïdjan dans les régions sud et sud‑est de la République d’Arménie constituent une violation de la souveraineté de cet État et de l’accord de cessez‑le‑feu du 9 novembre 2020 conclu entre les deux pays ;
Constatant les manquements répétés de la part de l’Azerbaïdjan envers les termes édictés par le cessez‑le‑feu du 9 novembre 2020, notamment la non‑restitution de certains prisonniers de guerre arméniens et le non‑respect du droit au retour et à la sécurité des populations déplacées du Haut‑Karabakh ;
Considérant que la sécurité des populations arméniennes présentes dans le Haut‑Karabakh n’est aujourd’hui pas garantie par l’Azerbaïdjan en l’absence de tout engagement de ce dernier en ce sens ;
Considérant la menace pour la sécurité et la vie des populations arméniennes des régions du sud et de l’est de la République d’Arménie, entretenue par des discours belliqueux et une incitation à la haine de la part des autorités azerbaïdjanaises ;
Considérant que des témoignages et des vidéos font état d’infractions répétées au droit international humanitaire commises par des soldats azerbaïdjanais sur des civils et militaires arméniens ;
Considérant la réunion en urgence du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies des 14 et 15 septembre 2022, à la demande de la France qui en assurait la présidence ;
Considérant les efforts déployés depuis 1994 par la France et son souci constant, dans le cadre du groupe de Minsk dont elle assure la coprésidence aux côtés des États‑Unis et de la Fédération de Russie, de parvenir à une résolution pacifique, durable et concertée du conflit dans le respect du droit international ;
Constatant cependant la difficulté pour le groupe de Minsk à remplir en concertation sa mission, à la suite de l’impact du conflit ukrainien déclenché par la Fédération de Russie et du rejet de son action par l’Azerbaïdjan ;
Constatant le peu d’initiative de la Fédération de Russie pour faire respecter le cessez‑le‑feu du 9 novembre 2020, dont elle se veut pourtant la garante ;
Considérant les risques géopolitiques majeurs qu’une escalade incontrôlable du conflit ferait courir à l’ensemble de la région du Caucase du Sud ;
Rappelant le contenu de la déclaration d’Alma‑Ata de 1991, par laquelle la République d’Arménie et l’Azerbaïdjan reconnaissent mutuellement leur intégrité territoriale et leur souveraineté ;
Considérant le lien unique qui existe entre la France et l’Arménie, ainsi que l’a exprimé le Président de la République, M. Emmanuel Macron, le 12 octobre 2022 ;
1. Condamne, avec la plus grande fermeté, l’agression militaire de l’Azerbaïdjan des 13 et 14 septembre à l’encontre des régions sud et sud‑est du territoire de la République d’Arménie, en violation de sa souveraineté ;
2. Appelle à la fin de l’occupation militaire par l’Azerbaïdjan du territoire souverain de la République d’Arménie et au retrait immédiat et inconditionnel des forces azerbaïdjanaises ;
3. Demande le respect strict des termes des déclarations trilatérales du 9 novembre 2020 et du 11 janvier 2021 ;
4. Invite le Gouvernement à œuvrer au sein l’Organisation des Nations unies en vue du déploiement d’une force d’interposition internationale capable d’assurer la fin des hostilités dans le Caucase du Sud et la sécurité des populations civiles. Souligne l’importance du rôle du Conseil de sécurité pour endosser un accord des parties concernées sur le déploiement d’une telle force ;
5. Appelle le Gouvernement, en concertation avec l’Union européenne et les États‑Unis, à prendre toute initiative diplomatique de nature à favoriser l’élaboration d’un traité de paix pérenne entre la République d’Arménie et l’Azerbaïdjan ;
6. Appelle le Gouvernement à intensifier les efforts au niveau de l’Union européenne afin d’adopter une position commune visant à favoriser la normalisation des relations entre l’Azerbaïdjan et la République d’Arménie ;
7. Salue, à ce titre, la mise en place d’une mission civile de l’Union européenne visant à rétablir la confiance, à stabiliser la situation sur le terrain et à contribuer au travail des commissions de délimitation des frontières de la République d’Arménie et de l’Azerbaïdjan ;
8. Salue également le déploiement d’une mission d’évaluation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe en Arménie, à la demande du gouvernement d’Erevan ;
9. Appelle au nécessaire respect de la souveraineté territoriale et de l’indépendance de la République d’Arménie, de la part de l’Azerbaïdjan et de l’ensemble des acteurs régionaux, conformément aux accords internationaux auxquels ils sont parties ;
10. Appelle à la libération et au rapatriement immédiats et inconditionnels de tous les prisonniers de guerre arméniens ;
11. Demande au Gouvernement de se mobiliser afin qu’une enquête internationale et indépendante puisse être conduite concernant les exactions dont se seraient rendues coupables les forces armées azerbaïdjanaises à l’encontre des soldats et civils arméniens. Invite, dans ce but, la République d’Arménie à adhérer à la Cour pénale internationale afin de lutter contre l’impunité ;
12. Invite le Gouvernement à considérer l’imposition de sanctions économiques personnelles, si les attaques et l’occupation du territoire souverain de la République d’Arménie devaient se poursuivre ;
13. Invite les parties prenantes, le groupe de Minsk, l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit ainsi que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture à tout mettre en œuvre pour préserver, de façon durable, le patrimoine culturel et religieux arménien dans les zones sous contrôle azerbaïdjanais du territoire arménien et du Haut‑Karabakh ;
14. Invite le Gouvernement à poursuivre ses efforts de médiation et à continuer à se mobiliser diplomatiquement afin qu’une solution pérenne puisse être mise en œuvre concernant la sécurité des populations arméniennes du Haut‑Karabakh, conformément à la résolution n° 520 de l’Assemblée nationale susvisée ;
15. Invite le Gouvernement à accentuer le soutien de la France envers la République d’Arménie, notamment en ce qui concerne l’aide humanitaire, et à étudier le renforcement de ses capacités de défense ;
16. Souligne son attachement indéfectible à la recherche d’une paix durable, qui seule permettra la sécurité et la stabilité du Caucase du Sud.