Le premier anniversaire de la dernière guerre d’Artsakh a ravivé beaucoup de douleurs (étaient-elles vraiment oubliées ?), mais aussi a été l’occasion de revivre et de reconsidérer les événements tragiques de l’automne dernier.
La société arménienne qui se trouve depuis longtemps déjà dans un état de division sans précédent semble être d'accord sur un point: il n’est plus possible de continuer sur la même voie de tolérance de la corruption étatique et de la soumission aux oligarques.
Qu'on se le dise: s’il n’y avait pas le contexte de la corruption générale, les pertes de l’armée arménienne auraient pu être considérablement réduites. L’arrestation, fin septembre, du ministre de la défense du temps de la guerre, David Tonoyan, qui est intervenue presque un an (!) après la capitulation, n’a fait que raviver les sentiments autour de cette période tragique dans la récente histoire arménienne. Il est soupçonné "d'abus de pouvoir, de fraude et de détournements de fonds lors de l'achat d'armements pour les forces armées", selon les services de sécurité arméniens. Ces mêmes sources précisent que "beaucoup d'autres militaires en service ou ayant quitté l'armée" sont visés par des enquêtes similaires.
Les faits qui lui sont incriminés et qui relèvent de la corruption (le détournement d’environ 3 milliards de drams, soit près de 4 millions d’Euros) ne reflètent sûrement pas l’ampleur de toutes les malversations qui ont eu lieu durant les années, les décennies de l’indépendance arménienne, que ce soit dans l’armée ou dans l’économie arméniennes en général.
Fallait-il en arriver jusqu’à cette horrible défaite avec toute une génération de jeunes gens tués et mutilés, physiquement ou moralement, mais aussi des réfugiés et orphelins de guerre pour comprendre que chaque centime détourné signifiait une vie supplémentaire perdue ? Le prix payé n'est-il pas trop cher pour arriver à comprendre qu’un Etat corrompu est un « failed state », un Etat défaillant et donc pas viable.
Si la société arménienne ne réalise pas aujourd’hui l’importance cruciale de renoncer définitivement à la corruption à tous ses niveaux, elle ne pourra jamais espérer d’avoir un Etat qui vaille. Ou bien, un Etat tout court…