Le droit international humanitaire protège l’enfant face aux hostilités avec différents protocoles, non seulement en tant que civils, mais en tant que bénéficiaires d’une protection spéciale en raison de leur vulnérabilité particulière.
Par Lusiné Abgarian
« Les enfants doivent faire l’objet d’un respect particulier et doivent être protégés contre toute forme d’attentat à la pudeur », - énonce le principe de protection spéciale destinée aux enfants dans le 77e article de la Convention de Genève, relatif à la situation des enfants durant la guerre. Mais ce protocole, empêche-t-il vraiment l’implication directe des enfants dans les hostilités ? En effet, l’expérience de la dernière guerre d’Artsakh, entre autres, a montré que les enfants, malgré toutes les conventions et protocoles du droit humanitaire, ont fait objet d’attaques.
Preuve de haine et d’agression de la part de l’ennemi, les enfants ont été ciblés par les forces armées azerbaïdjanaises et leurs droits fondamentaux à la vie, à la santé, à la famille et à la communauté, ainsi que d’autres droits ont été violés. Le jour de la signature du cessez-le-feu, le 9 novembre, le Défenseur des droits de l’homme d’Artsakh a publié un rapport spécial sur les violations des droits des enfants et selon les données documentées, l’ennemi avait ciblé des écoles, des crèches et d’autres bâtiments civils au service des enfants, avec des armes à sous-munitions interdites et des missiles de haute précision.
Face au chaos engendré par la dernière guerre d’Artsakh, témoins de destruction d’infrastructures, dont aussi leurs écoles, ce qui leur empêche d’avoir accès à l’éducation dans des conditions ordinaires, les enfants se sont également retrouvés déracinés de leurs maisons et de leur terre natale, accompagnés, et parfois pas, des parents.
« La guerre a changé beaucoup de choses. Mon éducation a été interrompue. J’avais beaucoup de plans avant la guerre qui ne se réaliseront plus. Ce jour-là (le 27 septembre), mon grand-père devait rentrer et on avait beaucoup de travail à faire ensemble dans son atelier de menuiserie, il avait une commande, je devais l’aider. Il est resté là-bas »,- raconte Hayk, 13 ans, réfugié avec sa mère et ses petits frères à Erevan, alors que son grand-père (victime civile) et son père sont restés en Artsakh.
Aux conséquences physiques, s’ajoutent les conséquences psychologiques, souvent plus difficilement réparables. La plupart des enfants ont subi de profonds traumatismes émotionnels qui peuvent continuer à les marquer pendant toute la vie.
Neuf mois après le début de la guerre, Hayk est le seul parmi ses frères à pouvoir s’exprimer. Les deux cadets ne peuvent pas encore formuler l’indicible pour eux, mais leur comportement au quotidien témoigne sans paroles de leurs traumatismes. Erik, 8 ans, a peur de sortir tout seul de la maison et continue à faire des cauchemars. Narek, 3 ans, craint lui aussi les « Turcs » et ne lâche pas la main de sa mère pendant ses jeux, mais surtout quand la nuit tombe.
La cure de ces blessures étant lente, ces enfants se retrouvent souvent dans l’impossibilité de grandir dans un climat de confiance et de sérénité, dont le manque est susceptible de se transmettre de génération en génération, sous forme directe ou de « légende », ce qui rend encore plus difficile la transmission du message de paix aux générations futures.
Aujourd’hui, le jour de la défense des enfants, il ne reste que confirmer que le monde et la communauté internationale se sont tus face à cette barbarie perpétrée directement et indirectement contre les enfants « non reconnus » d’Artsakh qui vivaient sur la terre « non reconnue ».
Aujourd’hui, Hayk souhaite recevoir malgré tout un cadeau pour sa fête : « Le meilleur cadeau serait pour moi le retour de mon grand-père. Qu’on me dise qu’il n’a pas été victime de guerre ».
P.S. Sur la photo, Viktoria, 8 ans. Le premier enfant victime de la deuxième guerre d’Artsakh, tuée dans la ville de Martouni le 27 septembre 2020, sur la route de l’abri.