Ni UE, ni UEEA, mais les deux à la fois...

Economie
25.07.2024

Lors d'une table ronde intitulée "Nouveau projet : Canal économique", experts et personnalités politiques ont confrontés leurs opinions sur les choix et perspectives du développement politico-économique de la république de l'Arménie.

 

Il n'y a pas qu'en matière de politique étrangère, de diplomatie ou de défense que l'Arménie cherche à voir où se situent ses meilleurs intérêts et à diversifier ses alliances traditionnelles. Le développement de son commerce et de son économie figure bien sûr au cœur de ses toutes premières préoccupations.

Si le rapprochement avec l'Europe lui ouvre de nouvelles opportunités d'échanges et promesses d'investissements de ces marchés mûrs et financièrement éprouvés, la consolidation de ses liens avec ses partenaires traditionnels de Russie et d'Orient au sein de l'Union économique eurasiatique (UEEA), pourvoyeurs, notamment, de matières premières essentielles, n'en demeure pas moins stratégique. Le choix est cornélien et il est ressorti des débats qui ont animé cette table ronde qu'il ne sera pas facile, là non plus de ménager la chèvre et le chou.

Adhésion à l'UEEA et coopération avec l'UE

Mikael Melkumyan ancien député d'Arménie prospère et vice-président de l'Assemblée nationale arménienne sous l'ère Sargsyan a été le premier à prendre la parole. Il a noté que les exportations de l'Arménie vers la Russie, traditionnellement dominées par la fourniture de produits alcoolisés s'étaient très largement accrues ces dernières années grâce à la réexportation en grandes quantités de machines et d'équipements industriel. « Le volume des échanges commerciaux avec la Russie totalise un chiffre d'affaires de 7,6 à 7,7 milliards de dollars alors qu'il est de 3,6 milliards avec l'Union européenne », a-t-il observé. « L'Arménie a-t-elle vraiment le potentiel pour se rapprocher du marché de l'UE ? Lorsque l'Arménie avait la possibilité d'exporter certains produits à des conditions préférentielles vers l'UE, elle n'en a pas profité, elle n'en profite pas plus aujourd'hui ». 

L'ancien député a par ailleurs fait remarquer qu'aucun pays ne pouvait être simultanément membre de deux zones d'intégration économique différentes, bien que toutefois, la participation à l'UEEA n'exclut pas le développement de relations avec l'UE. Il a d'ailleurs souligné à ce titre le "pont" que pourrait constituer l'Arménie entre les deux puissances économiques.

L'UE n'attend pas L'Arménie

L'ancien ministre de l'agriculture Ashot Harutyunyan, toujours sous l'ère Sargsyan, a préféré replacer les discussions sur le terrain politique estimant à fort juste titre que les questions macroéconomiques ne pouvaient s'en abstraire et que la tâche prioritaire restait d'assurer la sécurité des Arméniens. « Il est nécessaire de comprendre que derrière l'UE et l'UEEA, il y a des blocs militaires et il est nécessaire de comprendre ce qu'ils ont donné, donnent et peuvent donner », a-t-il déclaré.

Il a également mis en avant la sécurité alimentaire du pays dont l'autosuffisance ne dépasse guère les 20 % et dépend chaque année des 450 000 tonnes de blé fournies par la Russie à des prix préférentiels.  « En outre, il y a le problème du carburant », a-t-il ajouté, « imaginez, qu'il n'y ait pas de gaz en Arménie, la situation serait aussi horrible qu'au début des années 90. Aujourd'hui, nous achetons du gaz à des prix avantageux.... En ce qui concerne l'UE, nous ne sommes pas prêts et ne nous leurrons pas : L'UE ne nous attend absolument pas. La Turquie souhaite devenir membre de l'UE depuis 27 ans, la Géorgie depuis 10 ans. Leur expérience devrait nous montrer que la route, la fenêtre vers l'Europe est un mirage, un mensonge éhonté », a fermement affirmé Ashot Harutyunyan.

Manque de prévoyance

Tatul Manasaryan, docteur en sciences économiques et directeur du Centre de recherche "Alternatives" a pour sa part souligné qu'au cours des 34 années d'indépendance de l'Arménie, aucun gouvernement n'a été en mesure de formuler un plan stratégique pour le développement du pays. « Aucun d'entre nous ne sait de quoi demain sera fait, où nous allons en tant qu'État et en tant que nation. On ne peut pas se réveiller chaque matin du pied droit ou du pied gauche et décider de sa journée en fonction de cela. L'UE ou l'UEEA ? Existe-t-il un programme, des priorités nationales, tout cela est-il bien en place ? Lorsque nous aurons décidé de tout cela, nous pourrons dire si nous voulons aller là et pas ici ».

La voie de la diversification

Dernier orateur enfin, l'économiste Suren Parsyan, agrégé de l'Université d'État est revenu sur ce rôle "de pont", évoqué en première partie des débats, entre l'Occident et la Russie qui pourrait offrir à l'Arménie de grandes opportunités. L'Arménie pourrait notamment renforcer les normes de qualité de ses produits ainsi que de ses services et accroître son efficacité, en particulier dans le domaine de la production industrielle.  « Oui, le marché russe est important pour nous et représente une grande part, mais pour le développement et la recherche d'alternatives, les marchés de l'UE et des États-Unis sont également très importants pour nous. Nous devrions nous fixer cet objectif », a-t-il déclaré.

Pour Suren Parsyan, il apparait également comme prioritaire de se pencher sur les questions intérieures et réformer le système de gestion qui affecte l'économie. Il a notamment cité la croissance observée ces dernières années, caractérisée par d'importants profits pour le secteur bancaire et l'oligarchie, mais par de faibles bénéfices pour les petites et moyennes entreprises.

Source Arka