Lors de son point presse du 16 octobre, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a réaffirmé la possibilité du retour des populations arméniennes du Haut-Karabakh, mais s'en est vivement pris au gouvernement arménien à qui elle reproche de ne pas assumer ses responsabilités vis à vis des réfugiés d'Artsakh.
Par Olivier Merlet
Le 15 octobre, la plateforme FIP rapportait la démolition à Stepanakert des célèbres maisons en pierre de la rue Tumanynan.
« Les quartiers historiques les plus anciens de la capitale ont été rasés », a déploré Sergey Shahverdyan, président du Conseil public d'Artsakh pour la protection du patrimoine culturel. « Ces bâtiments de la rue Tumanyan sont les témoins silencieux du vieux Stepanakert. Des maisons de cette rue dataient du début du XIXème siècle, une autre portait sur sa façade la date de sa construction : 1905. La rue Tumanyan, c'est le cœur de Stepanakert et le principal conservateur de son caractère arménien. L’Azerbaïdjan détruit ces bâtiments pour déraciner Stepanakert et détruire ses fondations, son paysage historique arménien » a déclaré de son côté Lernik Hovhannisyan, ancien vice-ministre de l'Éducation et de la Culture de la République d'Artsakh.
Hier à Moscou, lors du briefing hebdomadaire du ministère des Affaires étrangères, un journaliste a évoqué la destruction massive « des bâtiments résidentiels dans la ville occupée de Stepanakert » et le fait que, « même si elle le voulait, la population arménienne ne pourrait plus rentrer chez elle ». Invitée à commenter cet état de faits, Maria Zakharova, la porte-parole du ministère, s'est engagée dans un échange tendu avec son interlocuteur et peu amène pour les autorités arméniennes.
- Maria Zakharova : « D'après ce que je comprends, nous parlons du territoire de l'Azerbaïdjan. Premièrement, les lois de ce pays s’y appliquent. Deuxièmement, nous parlons d'objets culturels. Il existe des organisations internationales spécialisées. S'ils ont des questions, elles doivent être résolues dans les institutions compétentes créées à cet effet (par exemple, l'UNESCO). Les pays interagissent bien dans différents domaines. Cette question ne nous concerne certainement pas.
Mais ce avec quoi nous compatissons vraiment, c’est le sort des personnes qui ont quitté leur foyer (certains y ont passé leur vie, d’autres viennent juste de commencer, certains y ont enterré des proches). Toute la vie et l'histoire de la famille sont liées à ce lieu. Il s’agit d’une tragédie colossale aux multiples aspects et nuances.
Ils ont commenté et souligné à plusieurs reprises les mesures constructives prises par Bakou pour offrir la possibilité à la population qui a quitté son foyer d’y retourner. Je peux honnêtement dire (que mes collègues experts me pardonnent) que nous soulevons cette question lors de contacts bilatéraux avec nos collègues azerbaïdjanais, recevons des éclaircissements appropriés et bien plus encore. Nous comprenons très bien ce que signifie ces pertes pour les personnes historiquement associées à ces lieux.
Mais en même temps, je tiens à souligner une fois de plus que la possibilité de revenir a été offerte. Je ne veux pas commenter maintenant les actions de la partie arménienne (je veux dire les autorités d'Erevan). Je pense que vous, en tant que journaliste et personnalité publique, donnerez votre avis sur cette situation et le ferez encore mieux que moi dans cette situation. Mais ce qui a été fait est fait. En même temps, je le répète, il y avait et il y a toujours une opportunité de retour. Si, comme vous le dites, ces gens souhaitent préserver leurs maisons et leurs lieux d’origine, ils devraient probablement les occuper. Sont-ils là ? »
- Le journaliste : « je ne sais pas ».
- Maria Zakharova : « Pourquoi vous ne savez pas ? Ce n'est pas vrai, vous savez. Nous en avons parlé et répondu à vos questions. Comment cela vous ne savez pas » ?
- Le journaliste : « Les gens ne font pas confiance à la partie azerbaïdjanaise, car leur sécurité ne sera pas assurée. C’est pourquoi les réfugiés que je connais en Artsakh ont peur d’y retourner ».
- Maria Zakharova : « Je suis désolée, mais puis-je vous poser une question ? Les autorités officielles d'Erevan ont-elles fait quelque chose pour faciliter le retour des personnes ? Pourquoi me posez-vous cette question ? Posez là à l’autre partie, je pense que c'est logique : je suis le représentant officiel du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie et je parle des efforts déployés par notre pays. La Russie, comme aucune autre, comprend ce que signifie priver les gens de leur logement en raison des circonstances, des tragédies, des conflits, etc.
Nous soutenons les personnes qui viennent chez nous, nous les acceptons, nous leur donnons les moyens d'agir, nous leur offrons des opportunités de travail et d'études, nous formalisons le tout par la légalisation. Non seulement nous assumons une énorme responsabilité dans le sort de ces personnes, mais nous comprenons également à quoi nous nous exposons, car cela ne plaît pas à certains représentants de la communauté internationale. Et pourtant, nous sommes prêts à le faire pour défendre les personnes qui sont privées de leurs droits légaux liés à leur lieu d'origine, leur foyer, leur langue, leur culture et leurs lieux mémorables. Pensez à ce que je viens de dire ».