Après les propos du chef d'État-major azerbaïdjanais sur la responsabilité des observateurs de l'Union Européenne dans l'aggravation des tensions avec l'Arménie, Erevan semble au contraire leur renouveler toute sa confiance.
Par Olivier Merlet
« Le déploiement de la mission d'observation de l'Union européenne sur la frontière conditionnelle du territoire arménien et l'armement de l'Arménie par certains pays extrarégionaux, notamment la France, contribuent à l'émergence de forces revanchardes, entravent la normalisation des relations et du processus de paix entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie et aggravent la situation dans le Caucase du Sud ». C'est ce qu'a déclaré le 9 octobre, le colonel-général Karim Valiyev, chef d'état-major général de l'armée azerbaïdjanaise et vice-ministre de la Défense lors d'une rencontre à Bakou avec le lieutenant-général Janush Adamchak, directeur général de l'état-major militaire international de l'OTAN.
Le mécontentement de l'Azerbaïdjan à l'égard de la mission civile de l'Union européenne (EUMA) n'est pas nouveau, mais il s'est intensifié ces derniers jours. Dans son édition du 8 octobre, Calibre, l'organe plus ou moins officiel du ministère de la Défense azerbaïdjanais, publiait une capture vidéo d'observateurs européens en patrouille, non loin de l'entrée du corridor de Latchine, équipés de leurs habituelles jumelles. « Ils espionnent le territoire azerbaïdjanais avec l'armée arménienne en utilisant des équipements spéciaux », écrivait le média, mettant en doute comme beaucoup d'autres en Azerbaïdjan, l'impartialité des observateurs européens et affirmant qu’ils ignoreraient régulièrement les « provocations des forces arméniennes ».
La mission européenne en Arménie a rapidement réagi, rejetant catégoriquement ces accusations. « Nous effectuons des patrouilles régulières dans la zone, conformément à nos procédures opérationnelles. Rien d'inhabituel n'a été constaté lors de nos patrouilles », a déclaré le porte-parole de l'EUMA. Actuellement, 209 observateurs de l'UE sont déployés en Arménie, opérant à partir de six bureaux situés à Kapan, Goris, Jermuk, Yeghegnadzor, Martuni et Ijevan. Depuis le départ des gardes-frontières russes en août, les observateurs européens patrouillent également dans certaines zones du Syunik auxquelles ils n'avaient qu'un accès restreint jusqu'alors. La Russie, d'ailleurs, a elle aussi protesté à plusieurs reprises contre leur présence des observateurs européens en Arménie.
À Erevan, le Premier ministre en tête, on se félicite de la présence de ces observateurs, assurant que leur arrivée il y a bientôt deux ans avait permis de stabiliser la situation aux frontières et de réduire les incidents. Leur mandat, de deux ans justement, arrive à échéance en février prochain. Sa reconduction, c'est l'Arménie qui en décide, ne ferait l'objet d'aucune discussion officielle pour le moment. Elle semble cependant vivement souhaitée par le gouvernement. « Il serait logique que la mission continue ses activités sur le territoire arménien », a déclaré Sargis Khandanyan, ancien chef de cabinet de Nikol Pashinyan et aujourd'hui président de la commission permanente des Relations étrangères de l'Assemblée nationale. « Elle constitue aussi une source d'information fiable pour l'Union européenne », a-t-il ajouté.
Quant à savoir si la question du retrait de l'EUMA constituerait l'une des exigences de l'Azerbaïdjan pour la conclusion d'un traité de paix, le président de la commission des relations extérieures affirme « [ne pas avoir] connaissance d'une telle demande. Des déclarations publiques inacceptables ont été faites, mais cela relève des discussions entre l'Arménie et l'Union européenne. Il n'est pas approprié que des tiers tentent d'influencer ces relations ».
Si la présence des observateurs de l'Union européenne à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan semble une fois de plus sur la sellette, il est également à noter dans le discours officiel de Bakou la réintroduction du qualificatif de « conditionnelle », concernant la frontière. Tout en remettant en question de leur délimitation, basée sur la déclaration d'Alma-Ata. Cette terminologie pourrait refléter l'idée de les redéfinir de nouveau et perturber encore un processus de paix déjà très fragile.