L'exil, un lieu idéal de création ?

Diasporas
10.11.2018

Par Anna Baghdassarian

Jeudi le 8 novembre 2018, l’Université Américaine d’Arménie, en collaboration avec le Centre de la littérature créative, ont convié à une lecture ouverte sur les origines de la littérature de Diaspora et plus précisément, sur la prose franco-arménienne  de 1928 à 1960. C’était Krikor Beledian, écrivain et professeur de patrologie et de littérature médiévale arméniennes qui a guidé le public à ce voyage.

Dans les années vingt, la France sert de refuge à de nombreux intellectuels arméniens. A Paris, ils développent une intense activité intellectuelle et littéraire au travers d’un foisonnement de revues. Ils appellent au rassemblement du peuple arménien et à son ouverture au monde. « Là où le choc avec le monde étranger a été le plus violent, l'effort créateur a été aussi le plus fécond », - souligne Krikor Beledian.

Ces survivants du Génocide de 1915 produisent des œuvres d’exilés qui témoignent à la fois des pages noires de l’Histoire et de la difficulté de trouver une place où se reconstruire. Ils s’affrontent aux conditions difficiles de l'exil et essayent non seulement de faire revivre leur culture et leur langue menacées de mort mais aussi de trouver de nouvelles formes d'écriture capables d'exprimer leur état d’esprit et leur situation. La littérature constitue, donc, pour eux une patrie spirituelle.

Krikor Beledian, écrivain franco-arménien, maître de conférences à l’Institut des langues et civilisations orientales de Paris (INALCO), professeur de patrologie et de littérature médiévale arméniennes à la faculté de théologie de Lyon, a voulu d’abord faire un questionnement sur la vie à l'étranger, sur l'assimilation et l'intégration, sur le bilinguisme et sur les conditions de possibilité d'une littérature après une catastrophe comme celle de 1915.

Les survivants du Génocide de 1915 produisent des œuvres d’exilés qui témoignent à la fois des pages noires de l’Histoire et de la difficulté de trouver une place où se reconstruire.

Mais le projet a évolué en une histoire littéraire et une histoire des mentalités. Krikor Beledian a passé des années à lire la presse, à consulter les archives privées, à accumuler documents et photographies, à interroger des témoins. Et voilà, progressivement,  qu’il a réussi à rétablir  le puzzle du monde littéraire oublié qui s'est nourrie de la culture française sans renier ses racines.

Lors de la lecture, en mettant en parallèle l’histoire de la littérature arménienne et celle de la littérature française, Krikor Beledian est revenu aussi sur la tradition de la série romanesque née dans la réalité française.  Les pionniers en sont « La Comédie humaine » de Balzac, «  Les Rougon-Macquart » de Zola, « A la recherche du temps perdu » de Proust.  C’est à ce moment-là que les romanciers arméniens aussi commencent à réfléchir à la série romanesque. Krikor Beledian évoque alors Chahan Chahnour (Armen Lubin), auteur arménien, l’un des fondateurs de la littérature de Diaspora. Ses œuvres  « La Retraite sans musique» et  « La Trahison des Haralezs » font également part d’une série romanesque appelée « Histoire illustrée arménienne ».  Un autre auteur, Zareh Vorpouni suit cette tradition en publiant six tomes des « Persécutés » où il peint les tentatives de survie des rescapés du génocide.