L'UFAR vue par les Arméniens de France

Complément spécial UFAR
Date: 
29.07.2022

En vingt ans d'existence, l'Université française en Arménie s'est forgée une réputation d'excellence largement méritée. Indiscutablement et volontairement élitiste, elle défend aussi des valeurs essentielles, françaises peut-être, indissociables de l'enseignement supérieur et spécialisé qu'elle propose. Nous avons justement cherché à nous rendre compte de la manière dont elle était perçue de l'autre côté du miroir, de cette relation intime avec ses origines françaises et avons interrogé à ce sujet six personnalités issues de la communauté arménienne de France.

Témoignages recueillis par Olivier Merlet

Fleuron de la coopération franco-arménienne, foyer d'innovation économique, pépinière de dirigeants francophones et ouverts sur le monde, féminisation des élites arméniennes… Sous l'impulsion du recteur Bertrand Venard, que certains n'hésitent pas à qualifier de visionnaire, l'UFAR a démontré ces deux dernières années une très forte montée en puissance. Par ailleurs, l’université a intégré sans délai les spécialités les plus innovantes et participe ainsi, toutes proportions gardées, à conforter la réputation de cette petite Arménie, comme l'une des premières nations technologiques de la planète. Les valeurs défendues par l'UFAR sont aussi universelles qu'académiques. Reconnue comme l'un des quatre meilleurs établissements universitaires que compte l'Arménie, un seul constat suffit à résumer son efficacité: 96% de ses diplômés décrochent un emploi dans les 6 mois qui suivent leurs … Il serait superflu de rajouter quoi que ce soit concernant la singularité de l’UFAR en matière de professionnalisation.

L'UFAR est donc une fierté française en Arménie, soutenue par le Quai d'Orsay et la communauté arménienne de France assurant aussi une bonne partie du relais. L’université compte parmi ses membres et ses institutions de nombreux mécènes et donateurs. Nous avons invité cinq de ses représentants, impliqués d'une manière ou d'une autre dans le fonctionnement de l'établissement, à nous faire part de leurs impressions.

Nadia Gortzounian dirige depuis 2016 à Paris la section française de l'UGAB. De son côté, Bernard Hatemian est président d'honneur de la Chambre de commerce et d’industrie Franco-Arménienne de Marseille. Vighen Papazian a créé le groupe Infodis spécialisé dans les réseaux informatiques, et constitué le fonds de dotation Armenia Peace Initiative que dirige sa fille Taline, politologue de renom.  Jean Varoujan Sirapian s'est spécialisé de son côté dans "la publication des savoirs et d’auteurs francophones en France et en Arménie". Sigest, sa maison d'édition indépendante, publie chaque année de nombreux ouvrages dans cette veine. Enfin, perpétuellement entre deux avions pour la France ou l'Arménie, Michel Davoudian, patron de la société informatique Apaga technologies, œuvre tous azimuts pour la promotion de la "France-Arménie".

Nous avons compulsé et réuni sous ce même article les réponses écrites qu'ils ont eu la gentillesse de nous faire parvenir.

 

De l'université française au stage en France

« Dans la communauté arménienne française, l'UFAR me semble être reconnue comme l'un des meilleurs exemples de la collaboration franco-arménienne du plus haut niveau. » commente Nadia Gortzounian, « et pour nous, Français d'origine arménienne, la soutenir est une évidence. C'est une université assez unique dans le monde, un fleuron de la culture et de l'éducation française en Arménie. L'UGAB en est un soutien historique et au travers de deux de ses entités, française et arménienne, sûrement l'un de ses plus gros sponsors. Notre partenariat se concrétise de plusieurs façons, la plus emblématique consistant à accueillir en France et placer en stage une trentaine de ses étudiants tous les ans. Nous prenons tout en charge : l'hébergement, le per diem, leur voyage… C'est d'ailleurs souvent le premier qu'ils effectuent en France, voire à l'étranger. Nous nous arrangeons donc pour leur proposer un programme sympathique, à la fois pour les plonger véritablement dans le corps professionnel français mais aussi pour leur faire faire un peu de tourisme.»

« Ces stages représentent avant tout une opportunité professionnelle inédite pour les étudiants de l'UFAR » renchérit le président de la CCIFA Marseille, Bernard Hatemian, dont la structure assure également le placement de ces jeunes dans des entreprises du sud de la France. « C'est une immersion complète de deux mois environ dans un environnement totalement francophone, choisi dans leur domaine d'étude, autour de leur spécialité. Ces expériences sont aussi de formidables aventures humaines, auxquelles aucun étudiant n’est resté indifférent », confirme-t-il.

 

Formation d’excellence, diplômes européens et innovation

Pour Vighen Papazian, directeur d'Infodis et contributeur régulier aux œuvres de l'université française, l'UFAR représente avant tout un symbole. « Nous sommes très fiers de notre double appartenance franco-arménienne symbolisée par l’UFAR et par l’Arménie au sein de la francophonie ». La haute-technologie, ce professionnel des réseaux en a fait son métier.  Pour ce recruteur de jeunes talents,  l'équivalence et la reconnaissance internationale des diplômes obtenus dans des secteurs de pointe relèvent d'une évidente nécessité. À ce titre, il écrit : « Je ne peux que féliciter non seulement la qualité de l’enseignement mais l’engagement sans failles du Recteur Bertrand Venard pour faire cette université un pôle d’excellence délivrant des diplômes reconnus en Europe. En règle générale, la nécessité de former des étudiants de haut niveau dans l’IT nous semble aussi primordiale».

« L'UFAR est devenue une véritable institution du monde de l’enseignement supérieur arménien »,  reprend Bernard Hatemian. « Grâce à une équipe enseignante et pédagogique de grande qualité, elle propose à ses étudiants une excellente formation en français et des parcours diversifiés, avec des masters tournés vers l’économie, la finance, le marketing, ou encore la gestion des ressources humaines. Elle cherche sans cesse à innover et à se diversifier ».

Michel Davoudian, qui dirige la société d'informatique Apaga implantée en Arménie depuis 2007 précise : « L’UFAR a su prendre le virage technologique pour que son enseignement soit bien en phase avec les besoins du XXIe siècle. Les STEM (Science Technologies Ingénierie Mathématiques) sont devenues en quelques années le cœur du fonctionnement de nos sociétés, de toute entreprise et administration. Les dirigeants de demain devront maîtriser parfaitement ce domaine, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui pour la plupart d’entre eux, même en France. Les étudiants arméniens sont un terreau sur lequel on peut « cultiver » la science, la récolte sera abondante. Les exemples de réussite d’arméniens dans ce domaine seraient trop longs à énumérer ». Michel Davoudian poursuit : « Après la maîtrise de mathématiques appliquées à l’informatique initiée par le précédent recteur, Bertrand Venard fort de son expérience (spécialiste de la cybersécurité qu’il enseignait à Oxford) et de par sa volonté de faire passer l’UFAR au premier plan régional, a conforté et développé les relations avec l’Université Toulouse III Paul Sabatier. En très peu de temps, il a mis en place avec l’IRIT (Institut de Recherche en Informatique de Toulouse) un Master en Intelligence Artificielle qui débute cette année et en projet un autre master en Cybersécurité qui devrait commencer par la suite ».

Une initiative saluée par Vighen Papazian, expert en la matière, qui propose même : « en ce qui concerne notre fonds de dotation nous serions prêts à soutenir un cursus de Cybersécurité, si nécessaire à l’Arménie mais aussi si important dans le monde moderne. »

 

Valeurs françaises universelles, pour l'Arménie

Préparer aux défis de ce " monde moderne " ne saurait toutefois se résumer à l'acquisition de connaissances, si pointues soient-elles. La différenciation prônée par l'UFAR réside aussi dans l'apprentissage d’une valeur clef : l’intégrité, déclinée sous différentes facettes honnêteté, responsabilité et ouverture sur le monde. « Des valeurs humanistes françaises capitales », souligne Nadia Gortzounian. « L'apport principal de cette université, outre ses compétences académiques, est également d'amener l'éducation française avec ce haut niveau d'intégrité. C'est une martingale gagnante ! Par la rigueur de l'enseignement, de l'orientation et le niveau d'exigence que l'UFAR réclame de ses étudiants, elle démontre l'importance et l'exemplarité des valeurs françaises ».

« De ce fait », ajoute Bernard Hatemian, « les diplômés de l’UFAR constituent donc un atout précieux au service de l’économie arménienne, mais aussi de l’administration d’État, qui peut s’appuyer sur des cadres compétents, polyglottes et ouverts sur le monde. »

Nadia Gortzounian reconnaît que: « l'une des missions de l'UFAR est en effet de faire en sorte que le plus grand nombre possible de ses étudiants veuille et puisse rester en Arménie. Bien formés, d'un très haut niveau de qualification, ils trouvent du travail sur place. Comme le rappelle souvent le recteur Bertrand Venard, 96% d'entre eux décrochent un emploi dans les 6 mois qui suivent leurs études, ce qui évite la fuite des cerveaux vers l'étranger ».

« La réputation et la qualité de l’UFAR », remarque Bernard Hatemian, « se mesurent également au parcours de ses étudiants, une fois leurs études terminées. Divers sondages et études montrent clairement deux phénomènes : un accès à l’emploi rapide, et des salaires qui se situent dans la moyenne haute pour des jeunes qui viennent d’arriver sur le marché du travail. Pour paraphraser Henri Reynaud, ambassadeur de France en Arménie de 2010 à 2014 : « Le diplôme de l’UFAR est un passeport pour l’emploi ! ».

 

En quête de moyens pour grandir, français et arméniens

Tout semblerait donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais à l'autre bout de l'Europe, les partisans et supporters attentifs de l'UFAR ne manquent pas d'émettre certaines critiques quant à la pérennité de son bon développement. Son changement de recteur tout d'abord, dont les réalisations sont très largement saluées. Michel Davoudian rappelle : « Bertrand Venard a développé fortement les relations avec l’académie des Sciences, notamment l’institut d’Informatique où se déroulent certains cours. Il a dynamisé fortement ce domaine à l’UFAR et tous ses étudiants ainsi que les autorités arméniennes lui en sont reconnaissantes... j’espère que le prochain recteur (ou rectrice) aura les compétences et la volonté de développer les sciences et technologies au sein de l’UFAR ».

Une crise de croissance ensuite : victime de son succès, l'UFAR doit impérativement et rapidement trouver de nouveau locaux, plus spacieux, qui lui permettront de répondre à l'afflux des demandes d'inscription.  « L'UFAR a tellement de succès qu'elle a besoin de changer de braquet et d'être davantage dotée d'investissements financiers et structurels. Le succès appelant le succès, les besoins vont croissant. Le recteur Bertrand Venard, un visionnaire aux projets ambitieux a créé de nouveaux pôles de compétences de très haut niveaux qui impliquent un renforcement de ses moyens. La France, via son quai d'Orsay doit vraiment se positionner sur ce problème » estime la directrice de l'UGAB.

Le directeur d'Infodis, Vighen Papazian, lui emboite le pas et souligne l'urgence de la situation : « Je ne peux aussi que regretter le peu d’engagement de l’État Français en termes de moyens financiers et de budget de fonctionnement annuel pour soutenir davantage cette université. Le déménagement du site est un enjeu majeur pour sa pérennité. Nous espérons vivement que cela pourra avoir lieu rapidement et soutiendrons toute initiative en ce sens ».

« On ne peut que souhaiter que les gouvernements arménien, d'une part, et français d'autre part ainsi que l'ensemble des acteurs du monde de l'éducation en général maintiennent et renforcent leur soutien à l'UFAR », souhaite encore Nadia Gortzounian.

 

Un laboratoire d’idées pour le développement du pays

Pour conclure cette libre-parole sur l'Université française en Arménie, nous n'avons pas oublié Jean Varoujan Sirapian, l'éditeur parisien que nous annoncions au début de notre article. Plutôt que de répondre directement à nos questions, il a préféré s'effacer devant l'une de ses plus belles plumes, celle d'Henri Cuny, l'un des premiers ambassadeurs de France en Arménie devenu aujourd'hui écrivain, celui dont le soutien et les efforts ont permis à l'UFAR de voir le jour en 2003. Ce lien  vous permettra de lire l'intégralité de l'article qu'il faisait paraitre à l'occasion des vingt ans de l'Université. Nous en avons extrait cette conclusion : 

« J’indiquais, dès ma première rencontre avec les étudiants, qu’ils avaient une triple responsabilité : celle de leur avenir ; celle de leur université qui reposerait sur la qualité du diplôme, sur laquelle il n’y aurait aucune tolérance ; celle du développement de leur pays».