Soigner son corps et son âme

Arts et culture
11.10.2021

Célèbre pour ses monastères, l’Arménie est également visitée pour ses remèdes ancestraux, très prisés des connaisseurs.

Par Anna Aznaour (Écho Magazine, Suisse)

Une partie de ping-pong en guise de thérapie respiratoire ? Ne riez pas, cela marche vraiment ! Mais à condition qu’elle ait lieu sous terre, dans une mine de sel à 330 mètres de profondeur. Ouvert il y a bientôt trente-cinq ans, Avan-Arinj, centre de spéléothérapie à Erevan, est très recherché. Surtout depuis l’arrivée du nouveau dictateur mondial, le coronavirus. Anoush Voskanian, doctoresse responsable de cette "panacée souterraine" confie : « Ici, nous traitons les maladies liées aux dysfonctionnements du système immunitaire : asthme, allergies, toux du fumeur, etc. L’avantage de cette méthode de physiothérapie est qu’elle n’entraîne aucune complication ». Après des exercices en groupe et une petite sieste dans l’une des trois grottes curatives aménagées à cet effet, on refait surface pour aller à Matenadaran.

À l’Institut national des manuscrits anciens, Armen Sahakyan, médecin 41 et herboriste, nous plonge dans le savoir ancestral du pays. Depuis trois décennies, ce chercheur réhabilite les recettes que les moines et scribes, scientifiques et artistes, ont consignées en arménien dans des livres écrits, puis copiés à la main dès le 5e siècle.

Des paroles qui guérissent

Concoctées avec des herbes dont certaines ne poussent que dans les hautes montagnes du pays, les préparations de ce déchiffreur de textes anciens étonnent par leur efficacité ; elles sont connues … même au Kremlin. Les remèdes contre le diabète, l’infertilité, voire les tumeurs malignes, ont déjà opéré des miracles. La dernière formule en date, qui réunit quarante herbes rares en un assemblage nommé "Senteur de paradis", a l’ambition de soigner l’anxiété et la mélancolie grâce à son parfum. Avant de quitter Matenadaran, une photo du Livre des Lamentations de Grégoire de Narek (dit Narekatsi) s’impose. En février 2015, le pape François a proclamé Narekatsi 36e docteur de l’Église et béni sa statue au Vatican. Le psychiatre Armen Nersisyan, lui, soigne depuis deux décennies déjà ses patients avec les écrits de ce moine, théologien et mystique du 10e siècle. « Les images et les symboles qu’il utilise dans ses textes sont une sorte de clé universelle pour encoder l’inconscient humain dans le but de le soigner. Parmi les maladies réceptives à cette thérapie, la fièvre méditerranéenne familiale, qui touche les ethnies de ce bassin. Et surtout les Arméniens et les Juifs, dont l’ADN porte les traces des tortures et des traumatismes subis durant des siècles. »

La découverte de tous ces trésors cachés suscite une interrogation : « Pourquoi ne trouve-t-on pas d’information à leur sujet sur internet ?». Azniv Aslikyan, notre guide francophone, répond malicieusement : « L’Arménie et ses savoirs sont, comme l’or, une valeur sûre qui n’a nul besoin de publicité !».