La réunion des trois ministres russe, azerbaïdjanais et arménien des Affaires étrangères à Moscou laisse les Kharabatsis face à eux-mêmes et à Bakou.
Par Olivier Merlet
« La partie arménienne comprend la nécessité de convaincre les Arméniens du Haut-Karabakh de rencontrer les représentants azerbaïdjanais dès que possible pour convenir des droits découlant de la législation pertinente et des obligations internationales (en l'occurrence celles de l'Azerbaïdjan), y compris les nombreuses conventions visant à garantir les droits des minorités nationales. La partie azerbaïdjanaise est prête à fournir les mêmes garanties sur une base de réciprocité à l'égard des personnes vivant sur son territoire. Les Arméniens sont prêts à faire de même en ce qui concerne l'application de toutes les conventions aux citoyens résidant en République d'Arménie ».
Ainsi s'exprimait hier soir le ministre russe des Affaires étrangères, en clôture de la rencontre tripartite qui se tenait dans la capitale russe ce 25 juillet. L'espoir (le pis-allé) d'une reprise en main de Moscou sur la situation au Karabagh semble bel et bien disparu. Si le communiqué officiel souligne de nouveau « la nécessité du déblocage rapide du corridor de Lachin et du rétablissement d'une vie normale pour la population du Haut-Karabakh », Moscou se range désormais et pour de bon au discours officiel tenu par Bakou depuis des mois, à savoir l'assurance, selon la capitale azerbaïdjanaise, de toutes ses dispositions légales visant à garantir le droits de ses minorités nationales. Les propos de Sergeï Lavrov sont clairs, l'évocation d'une « base de réciprocité » l'est beaucoup moins en revanche, ne serait-ce qu'au regard de la situation actuelle et contemporaine en Arménie et au Sud-Caucase.
Sergeï Lavrov cite encore les rapports communiqués par les forces de maintien de la paix russes au Haut-Karabakh décrivant « les mesures qu'il est hautement souhaitable de prendre rapidement, sans délai, dans l'intérêt de fournir à la population du Karabakh de la nourriture, des médicaments, des produits de première nécessité, et de garantir un approvisionnement ininterrompu en électricité et en gaz. Il en va de l'intérêt des gens ordinaires », dit-il, « des Arméniens, des habitants de la région ». Mais c'est vers Bakou qu'il adresse ces derniers après avoir plus tôt reconnu une nouvelle fois auprès d'Ararat Mirzoyan, les difficultés du contingent russe de maintien de la paix « à résoudre les graves problèmes humanitaires posés là-bas sans la coopération des parties ».
Après des mois et des rendez-vous de discussions, pourparlers et négociations qui n'ont mené, ni à Washington, ni à Bruxelles ni ailleurs, à aucun résultat publiquement reconnu ni surtout ressenti, bien au contraire, par la première des populations concernées - celle des Arméniens du Karabagh - on ne pensait pas que Moscou prendrait le risque d'un nouveau coup d'épée dans l'eau, au mieux-disant, d'une véritable abdication, dans le pire des cas. Elle reconnaît là, au moins temporairement, son impuissance dans ce dossier. Le Karabagh demeure un problème, mais celui du Sud-Caucase en est désormais un autre, bien distinct.
« Le résultat le plus proche à ce stade est de parvenir à la conclusion d'un accord au sein du groupe de travail trilatéral dirigé par les trois vice-premiers ministres, qui sont engagés dans la coordination des questions spécifiques de déblocage des voies de communications dans la région », rattrape donc le ministre russe des Affaires étrangères, qui y voit un contexte autorisant perspectives et projets « prometteurs, au caractère non seulement régional, mais aussi plus large ». Annonçant enfin une tentative de dialogue sur une deuxième "voie" entre représentants de la société civile et experts politiques. Lavrov dit espérer l'amorce d'un « dialogue trilatéral par l'intermédiaire des parlementaires » et que le processus de négociation se poursuive.
« Nous poursuivrons notre travail énergique sur la préparation d'autres réunions, y compris les plans pour organiser un autre sommet des dirigeants de la Russie, de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie cette année ». Moscou ne jette pas l'eau du bain, mais qui veut encore s'y baigner ?