À 06h00 ce vendredi 29 septembre, 84 770 personnes réfugiés déplacés du Haut-Karabakh étaient arrivées en République d'Arménie.
Par Olivier Merlet - Photos Gilles Bader
Ce post circulait hier sur Facebook, écrit à la troisième personne, repris sur des dizaines de pages. Qui en est l'auteur ? Témoignage ou histoire vécue ? Peu importe, c'est l'histoire commune des Kharabatsis écrite en quelques lignes.
« Je voulais mettre le feu à ma maison, mais je n'en avais pas le cœur, j'ai fait la vaisselle, je l'ai rangé comme si un invité venait... Les kakis ont bien poussé cette année. Le Turc les mangera.
J'ai écrit une lettre, j'ai écrit que des gens purs et justes vivaient dans cette maison, gardez cette maison propre. Je leur ai aussi demandé d'arroser mes fleurs. »
Elle a abandonné son foyer pour la deuxième fois. La première, c'était à Sumgaït.
« Je ne veux pas quitter la maison pour la troisième fois. Je n'ai pas vécu le temps de ma jeunesse, et je ne vis pas non plus maintenant... J'ai vieilli en construisant une maison ».
Elle se recroqueville un peu en marchant, puis elle redresse le dos. Elle serre fermement dans sa main un morceau de papier jaune : c'est le numéro de téléphone d'un appartement, pas de sa maison, pas encore de sa troisième maison. »
Entre hier soir 19 heures et ce matin, selon les chiffres du gouvernement, 19 000 déplacés du Haut Karabgah ont encore franchi le pont Hakari. D'autres suivront encore ce week-end, après, il n'y aura plus personne.
L'heure est aujourd'hui à l'accueil et à la gestion de la catastrophe. Elle commence par ces statistiques, froides et cyniques, dont la première, simple et édifiante, n'est pas communiquée : l'Arménie se retrouve en trois jours à accueillir et devoir prendre en charge un accroissement de près de 3% de sa population dont 16 000 enfants de moins de 18 ans. Un choc démographique après l'émotion, l'équivalent en France de l'apparition soudaine d'une ville comme Cherbourg, Béziers ou Rueil-Malmaison.
Selon le dernier communiqué officiel du gouvernement publié dans la soirée d'hier, 17 153 déplacés ont été dirigés vers les résidences fournies par l'État dans les provinces. 4156 à Kotayk, 3665 à Ararat, 1958 à Syunik, 1542 à Gegharkunik, 1231 à Armavir, 1070 à Vayots Dzor; 988 à Aragatsotn, 663 à Lori, 797 à Tavush et 783 à Shirak.
100 000 drams -240 euros- seront alloués à chacun des réfugiés, promet le gouvernement, « quel que soit son âge et son sexe ». 350 millions de drams seront aussi versés aux "marzes" afin de pallier aux problèmes alimentaires et primaires.
Parmi les personnes recensées, on compte 1 172 personnes handicapées et 133 femmes enceintes. 342 patients poursuivent leur traitement dans divers établissements de santé, 11 enfants se trouvent dans les services de réanimation, dont 4 nouveau-nés. 25 patients du centre de santé mentale du Haut-Karabakh ont également été transférés en Arménie, où ils poursuivent leur traitement approprié dans les institutions du ministère de la Santé.
Des programmes sociaux et divers outils ont été mis en œuvre par l'État, nous en parlions hier. Ils sont consultables sur le site www.irazekum.am .
Un numéro de téléphone, le 114, plateforme du ministère du Travail et des Affaires sociales fonctionne 24 heures sur 24 pour répondre aux besoins de base. Elle est également opérationelle sur le net : https://rapidneeds.socservice.am/hayti-dimum
Enfin, le ministère du Travail et des Affaires sociales recrute également des volontaires via le site https://kamavor.mlsa.am