Moscou a très vivement réagi à l'annonce de la ratification du Statut de Rome par l'Arménie.
Par Olivier Merlet
Le Parlement a donc ratifié mardi 3 octobre l'adhésion de l'Arménie au Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale (CPI), par 60 voix contre 22. But affiché et espéré par Erevan : obtenir une protection supplémentaire vis-à-vis de l'Azerbaïdjan pour la sécurité du pays.
L'Arménie avait signé le Statut de Rome en 1999 mais ne l'avait pas ratifié, évoquant alors des contradictions avec sa Constitution. Le 24 mars dernier, la Cour constitutionnelle revenait sur sa décision indiquant simplement qu'il ne contrevenait plus à ses dispositions.
Lors de l'ouverture des débats ce mardi, Yeghishe Kirakosyan, représentant du gouvernement pour les questions juridiques, rappelait que « la Cour pénale internationale enquête sur les crimes internationaux graves relevant de sa compétence, et son objectif est de traduire en justice ceux qui ont commis des crimes internationaux graves. Il s'agit de crimes de guerre, d'agression, de crimes contre l'humanité et de génocide. Rejoindre la CPI aurait une importance significative en termes de prévention et d'exclusion des crimes susmentionnés sur le territoire de l'Arménie».
Au printemps dernier, la Cour pénale internationale avait émis un mandat d'arrêt contre le président Poutine pour la « déportation » - ce sont ses termes - d'enfants ukrainiens vers la Russie. Tout pays membre signataire du traité est tenu, en l'occurrence, de procéder à son arrestation dès lors qu'il poserait le pied sur un territoire dépendant de sa juridiction. La ratification du statut de Rome par Erevan a bien sur provoqué le courroux de Moscou où le vice-président du Conseil de la Fédération, Konstantin Kosachev a condamné une « mesure clairement hostile à l'égard de la Russie », un différend de plus, et de taille, entre les deux alliés aux relations désormais tendues.
Le président de la Commission des relations extérieures de l'Assemblée nationale arménienne, Sargis Khandanyan, l'affirme, « la ratification du Statut de Rome n'a aucun rapport avec les relations arméno-russes ». L'attaché de presse du Kremlin, Dmitri Peskov lui répond : « Nous doutons, et doutons depuis le début, que du point de vue des relations bilatérales, l'adhésion de l'Arménie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale soit correcte. Nous pensons toujours qu'il s'agit d'une décision incorrecte. Nous ne sommes absolument pas d'accord avec les propos du Premier ministre arménien Pashinyan selon lesquels la décision de l'Arménie d'adhérer au Statut de Rome était due à "l'insuffisance" des instruments de l'OTSC et du partenariat arméno-russe pour assurer la sécurité du pays. Ce n'est pas le cas. En Arménie, la majorité comprend que les instruments de l'OTSC et du partenariat arméno-russe sont absolument irremplaçables à l'heure actuelle, il n’y a rien de mieux que ces mécanismes ».
« Bien sûr », a-t-il ajouté, « nous n'aimerions pas qu'un jour, pour une raison quelconque, le président [Poutine] soit obligé de refuser des visites en Arménie ».
Pour information, la compétence de la Cour Pénale Internationale s'étend uniquement aux individus. Son tribunal peut prononcer des peines de prison allant jusqu'à 30 ans ou à perpétuité, il n'a pas le droit de prononcer des peines de mort. La Russie, les États-Unis, Israël, l’Inde, la Chine, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Iran et l’Ukraine n'ont pas signé ou ratifié le Statut de Rome.