Anne Genetet (à droite sur a photo) a participé à un diner-débat organisé par l'Ambassade d'Azerbaïdjan en France et l'Association d'amitié Azerbaïdjan… le 9 novembre dernier. Elle comptait se rendre en Arménie ce dimanche 14 novembre.
Par Olivier Merlet
9 novembre 2021 - 23 heures - tandis qu'Erevan ferme les yeux sur sa douleur et le souvenir de la journée tragique de l'an passé, à Paris, dans les salons du Cercle de l’Union interalliée a deux pas de l'Élysée, une dizaine de parlementaires et des responsables d’entreprises français répondent à l'invitation à diner de l'Ambassade d'Azerbaïdjan en France et de l'Association d'amitié Azerbaïdjan. « Un dîner-débat consacré au 1er anniversaire de la libération du Karabakh sur le thème :" Le Karabakh à l’heure de la paix : espoir et défis. Quel rôle pour la France ?" #VictoryDay, #QarabağAzərbaycandır » peut-on lire sur la page Facebook de l'ambassade.
Étrange coïncidence de dates d'un débat consacré à la paix et de la célébration d'une victoire militaire dont les coups de feu meurtriers claquent encore tous les jours du côté de Shushi ou de Stepanakert. Surprenante "étourderie" d'une personnalité avisée et concernée, élue de de la République française qui n'en fait même pas le rapprochement : assise à la gauche de Rahman Mustafayev, l'ambassadeur d'Azerbaïdjan en France, Anne Genetet est députée des Français d'Asie-Océanie-Europe orientale, députée des français du Caucase, de Géorgie, d'Azerbaïdjan et d'Arménie.
Les messages qu'elle lâche le lendemain sur les réseaux sociaux font l'effet d'une bombe à double détente dans la communauté française et francophile d'Arménie. Un tweet tout d'abord, dans lequel elle se félicite de ce diner "pour la paix" -des vainqueurs- organisé le jour même où l'Arménie se souvient. Repris et complété sur son compte Facebook un peu plus tard, la députée y confirme sa toute prochaine venue en Arménie au sein d'une délégation parlementaire française du Groupe d'amitié. Au programme, rencontre avec plusieurs officiels arméniens, politiques, économiques et chefs d'entreprises.
Lusine Bardon, conseillere des Français de l'étranger pour l'Arménie et la Géorgie est la première à réagir. Sur sa page Facebook, elle condamne tout d'abord avec véhémence la participation de la députée à ce qui commence à ressembler à véritable un diner de dupes et lance un appel à tous les Français en Arménie pour qu'ils relaient le message. Elle reprend ensuite le post d'Armen Ghazarian, directeur du Think & Do tank "Yerkir" spécialisé sur les questions arméniennes. Il répond à la députée « Non Madame, hier vous avez célébré l’agression panturque qui s’est soldé le "9 novembre" contre les Arméniens. Cette même logique panturque qui a conduit au génocide des Arméniens en 1915 dont la "guerre des 44 jours" n’est qu’une continuité : l’anéantissement des Arméniens pour permettre la jonction de la Turquie et de l’Azerbaïdjan. Ne vous cachez pas derrière de faux "débat" sur la paix, vous avez démontré en participant à ce repas de quel côté vous étiez. Votre présence à coté de vos collègues dont certains portent régulièrement des attaques haineuses contre les français d’origine arménienne prouvent votre parti pris. »
Tigran Arakelian, président de la Chambre de Commerce France-Arménie emboite le pas de la conseillere des Français de l'étranger pour l'Arménie et la Géorgie. C'est le tout premier concerné, il s'occupe notamment du programme des visites de la délégation. Déjà, les officiels et interlocuteurs arméniens avec lesquels sont prévus les rendez-vous l'appellent, indignés, et menacent de tout annuler. Des affaires de toute première importance sont en jeu et par-delà, la bonne marche et la performance des relations économiques que la France et l'Arménie veulent renforcer. AInsi, la visite de Mme Genetet en Arménie devient clairement non-souhaitable. "Elle est désormais persona non grata en Arménie", s'exclame Tigran Arakelian.
Tard dans la soirée du 11 novembre, Anne Genetet annoncait finalement le report de son voyage et adressait à l'intention de la presse, des communautés françaises et des autorités locales en Arménie le communiqué suivant :
« Je suis régulièrement amenée comme Députée de la 11e circonscription des Français établis hors de France, laquelle compte 49 pays dont l'Arménie et l'Azerbaïdjan[…] à mener des échanges bilatéraux préalables dans l'espoir de pouvoir ouvrir des échanges multilatéraux avec l'ensemble des parties prenantes arméniennes et azerbaïdjanaises. […] Mardi 9 novembre, avec des parlementaires de différents groupes politiques de l'Assemblée nationale (PS, UDI, apparenté EELV, LREM), je me suis rendu au cercle de l'union interalliée à l'invitation de l'ambassade d'Azerbaïdjan pour un dîner débats intituler « le Karabagh alors de la paix : espoirs et défis. Quel rôle pour la France ? ». Ma participation à ce dîner a fait depuis l'objet d'incompréhension en Arménie au sein de notre communauté française au sein du monde politique et institutionnel arménien. Je regrette vivement cette situation, contrairement à ce qui a pu être communiqué, je n'ai pas célébré un quelconque anniversaire.
En entretenant des relations avec l'Arménie et l'Azerbaïdjan, je souhaite – à mon échelle parlementaire – participer à un processus de dialogue et d'apaisement en vue de la paix. J'avais prévu de me déplacer en Arménie du 13 au 17 novembre avec une délégation de parlementaires français pour mieux comprendre la situation et échanger directement avec les autorités locales ainsi qu'avec les Français qui vivent en Arménie. À date, je ne me suis pas rendu en Azerbaïdjan.
Mon rôle de parlementaire n'est pas de prendre parti mais plutôt de comprendre la situation et de créer des ponts […]. À ce titre, il m'est bien sûr essentiel de pouvoir me déplacer dans ces pays et d'aller à la rencontre des communautés françaises et des autorités locales. »
En entête de la page Twitter de la Députée de la 11e circonscription des Français, cette devise : « L'émotion nous alerte, La raison nous conduit ».
La délégation des perlementaires français, très attendue en Arménie, arrive aujourd'hui à Erevan. Les membres de la délégation viennent avec le but de faire avancer l'agenda des relations bilatérales, traditionnellement excellentes entre la France et l'Arménie, et qui le resteront toujours.