En déplacement à Bakou, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé lundi 18 juillet un accord avec l'Azerbaïdjan pour le doublement (et même un peu plus) des importations de gaz naturel de l'Union européenne depuis la Caspienne.
Par Olivier Merlet
Il se préparait depuis plusieurs mois déjà, le protocole d'entente a été signé hier en grande pompe avec le président azerbaïdjanais Ilham Alyev. Il prévoit, à l'horizon 2027, la fourniture 20 milliards de mètres cubes de gaz par an depuis le gigantesque champ gazier de Shah Deniz en mer Caspienne jusqu'en Europe, via le complexe des gazoducs du "South Gas Corridor". L'Union européenne importe actuellement 8,1 milliards de mètres cubes de gaz azerbaidjanais. Ces approvisionnements devraient atteindre un palier intermédiaire de 12 milliards de mètres cubes fin 2023 pour augmenter régulièrement ensuite.
Depuis quelques années déjà, les Européens s'efforcent de diversifier leurs approvisionnements énergétiques et se défaire de leur dépendance vis-à-vis de la Russie (45% de son gaz et 20% de son pétrole, quand même !). La préoccupation est soudain devenue une urgence pour Bruxelles depuis l'éclatement de la guerre en Ukraine. Au mois de mai dernier, ses dirigeants de l'UE ont approuvé l'arrêt de l'essentiel des importations de pétrole russe. Ils se sont soigneusement gardés toutefois de prendre des mesures pouvant contrarier leurs importations de gaz, au moment même ils doivent remplir leurs réserves avant l'hiver. Moscou a répondu d'un petit tour de vis au robinet, faisant craindre une rupture totale de ses livraisons en réaction aux sanctions.
« Avant même l'invasion brutale de l'Ukraine par la Russie, les fournitures de gaz russe en Europe n'étaient plus fiables. L'Union européenne a donc décidé de se diversifier pour s'affranchir de la Russie et de se tourner vers des partenaires plus stables et plus fiables. Et je suis heureuse de compter l'Azerbaïdjan parmi ceux-ci ». Ainsi s'exprimait hier la présidente de la Commission européenne, en préambule à son adresse au président azerbaïdjanais
Il est vrai que dès l'automne 2021, le président Aliyev avait saisi l'opportunité des tensions entre l'Union européenne et la Russie en proposant d'augmenter ses approvisionnements en gaz. En visite à Bakou en février, la commissaire européenne à l'énergie Kadri Simson, qualifiait le gazoduc Sud de « stratégique pour la politique de diversification énergétique de l'UE ». En quelques mois, c'est un véritable partenariat énergétique et un réseau de liens étroits et privilégiés de coopération qui se sont peu à peu tissés entre l'Europe et l'Azerbaïdjan. La signature de l'accord d'hier en est la consécration.
Il porte en fait sur trois volets : les fournitures de gaz évoquées plus haut mais aussi un partenariat dans le développement des énergies renouvelables (dans les domaines de l'éolienne maritime, du solaire et de la production d'hydrogène vert). « Ainsi, l'Azerbaïdjan évoluera progressivement, passant d'un fournisseur de combustibles fossiles à un partenaire très fiable et de premier plan pour l'Union européenne dans le domaine des énergies renouvelables » prévoit la présidente de la Commission européenne. Bruxelles ne doutant pas de la "fiabilité" de son partenaire, réclame enfin dans une troisième partie des engagements visant à réduire les émissions de méthane tout au long de la chaîne d'approvisionnement en gaz.
Mais ce n'est pas tout… C'est une véritable corbeille de la mariée qu'Ursula Van der Leyen est venu offrir hier à Bakou. Selon ses dires : « Le Conseil de coopération UE-Azerbaïdjan se réunira demain à Bruxelles et discutera de la manière de faire progresser notre coopération bilatérale. Nous travaillons dès à présent sur un nouvel accord que nous espérons conclure prochainement. L'objectif est de continuer de développer le partenariat économique solide qui nous unit. En effet, l'Union européenne est le premier partenaire commercial de l'Azerbaïdjan, sa première destination d'exportation et l'une de ses principales sources d'investissements. Et nous voulons aller plus loin » …
L'Union européenne prévoit ainsi l'investissement de 60 millions d'euros sur les seules deux prochaines années et jusqu'à 2 milliards d'euros d'investissements supplémentaires dans le cadre du plan économique et d'investissement en soutien à « environ 25 000 petites et moyennes entreprises azerbaïdjanaises qui font du port de Bakou un pôle de transport durable […] Un accord de création d'un espace aérien commun est de même en recherche de finalisation ».
Dernier point enfin, faisant valoir son attachement à « un Caucase du Sud sûr, stable et prospère », Ursula Van der Leyen a rappelé à son interlocuteur la constitution d'«une nouvelle enveloppe européenne de 4,25 millions d'euros à des fins de déminage », la qualité de l'UE en tant que premier donateur en la matière, « également disposé à proposer des équipements et des compétences dans ce domaine très important ».
En résumé, conclut-elle « l'Union européenne est fermement attachée à votre région, Monsieur le Président. Nous accordons beaucoup d'importance à notre partenariat qui ne manquera pas de se développer et de s'approfondir au fil du temps ».
De quelle région parle-t-elle précisément, pourrait-on se demander... On connait aussi l'attachement de l'Europe aux valeurs démocratiques, une Europe si prompte à condamner et pourfendre ceux qui n'en suivraient les préceptes. Le choix des mots de la présidente de la Commission européenne, au-delà du contenu de son discours, pourrait laisser perplexe, son interlocuteur, Ilham Alyev dirige depuis vingt ans un pays aujourd'hui classé 141e sur 160 au très reconnu "Democracy index 2021" du groupe de presse britannique l'Economist Group ( la Russie fait mieux, pour la petite histoire, elle est 124e du classement).