Lors d'un nouveau rassemblement populaire et massif sur la Place de la République dimanche 12 mai, les partisans du mouvement de l'Archimandrite Bagrat Galstanyan ont contesté la légalité du processus en cours avec l'Azerbaïdjan et de nouveau appelé à des actes désobéissance civile qui se sont poursuivis toute la matinée ce lundi.
Par Olivier Merlet
Après une journée de "relâche" samedi, la foule s'est de nouveau rassemblée en masse dimanche soir, Place de la République pour écouter le révérend Bagrat Galstanyan et les personnalités qui l'ont rejoint l'informer de l'avancée de son mouvement. Annonçant ainsi le ralliement possible d'Ishkhan Zakaryan, député indépendant (ex- "J'ai l'honneur"), à la procédure de destitution contre Nikol Pashinyan qu'il entend soumettre au parlement, l'Archimandrite a estimé que « les partis d'opposition [avaient] franchi la première étape ».
36 voix sont en effet nécessaires pour que l'Assemblée nationale enclenche un tel processus, les deux partis d'opposition en réunissent 35. Bagrat Galstanyan a cependant reconnu qu'il resterait encore à convaincre 18 autres députés pour son adoption, le cas échéant, ainsi qu'à choisir un candidat de remplacement au poste de Premier ministre, deuxième condition imposée par la constitution. « Je tiens à dire très franchement que je suis prêt à assumer n'importe quelle responsabilité, avec la bénédiction du patriarche arménien, la volonté de Dieu et le désir du peuple », a déclaré l'homme d'église, « il y a cependant des questions qui doivent être discutées dans le domaine juridique, qui seront clarifiées et vous seront présentées d'ici deux jours ».
Sur le podium, quelques minutes auparavant, Vahagn Melikyan, ancien secrétaire général des Affaires étrangères du premier gouvernement Pashinyan était venu présenter un document élaboré, à la demande de l'évêque du Tavush, par le tout récent "Conseil pan-arménien des diplomates". Celui-ci est censé définir les cadres d'un nouveau concept de négociations avec l'Azerbaïdjan. Il stipulerait en particulier la nécessité préalable de ratification par les parlements des deux pays de tout accord interétatique quant à la délimitation et à la démarcation des frontières, excluant de même tout retrait ou changement de position des forces armées jusqu'à l'achèvement complet de son processus.
« En cours de processus, si une situation se fait telle que n'importe quel territoire de la République d'Arménie puisse passer à l'Azerbaïdjan, alors la question doit être soumise à un référendum. Par conséquent, il n’y a qu’une seule conclusion : le processus actuel est illégal et inconstitutionnel », a martelé l'ancien secrétaire général de Nikol Pashinyan, « il est fondée sur des actes internes valides et juridiquement contraignants de l'URSS. La déclaration d’Alma-Ata ne contient aucune description de frontière et par conséquent, ne peut en aucun cas constituer une telle base. La déclaration implique seulement l'exigence des uns et des autres de ne pas revendiquer d'ambitions territoriales ».
Ce lundi matin, Ararat Mirzoyan, le ministre des Affaires étrangères, - qui samedi encore, avec son homologue azerbaïdjanais, se félicitait de la prise en compte de la déclaration d'Alma comme base de leurs négociations - a dénoncé ces déclarations, qualifiant indirectement et sans les nommer certains de ses auteurs de déserteurs. « Ces diplomates expérimentés sont probablement des transfuges qui ont quitté leurs positions », a condamné le ministre, « ils ont fui leurs tranchées les jours mêmes où une agression militaire s'était produite sur le territoire souverain de la République d'Arménie ».
Avet Adonts et Artak Apitonyan, aujourd'hui membres du "Conseil pan-arménien des diplomates", vice-ministres des Affaires étrangères en juin 2021, démissionnaient de leurs fonctions au lendemain de la prise de contrôle de territoires arméniens par l'armée azerbaidjanaise dans le nord du Syunik. « Après avoir mentionné ce fait, je ne peux avoir aucun sérieux à l'égard de ces personnes et de leurs déclarations, et c'est l'évaluation la plus douce que je puisse me permettre d'exprimer », a ajouté Ararat Mirzoyan.
Ce 13 mai toujours, des actions sporadiques de désobéissance civile menés depuis le début de la matinée par de petits groupes de manifestants pourtant bien peu constitués ont conduit à 151 arrestations pour refus d'obtempérer. En début d'après-midi les autorités affirmaient avoir relâché toutes les personnes retenues.