" Le Bouclier Blanc", mémoires de guerre pour la mémoire collective

Arménie francophone
01.07.2024

Réalisé en Arménie en novembre 2020, dans les hôpitaux militaires de la capitale, ce film de 30 minutes produit par l'association "Lumière française" documente le parcours du chirurgien franco-arménien Levon Khachaturian et de six médecins français, spécialisés dans la prise en charge des traumatismes balistiques (blessés par balle ou éclat) en zones de conflit.

Par Darya Jumel

 

Le Centre de réadaptation "La Cité des Héros", situé dans le village de Proshyan, a accueilli le 26 juin la projection du reportage "Le Bouclier Blanc" sous l´égide de l´association Lumière Française. Ce court documentaire met en lumière les histoires des soldats blessés et hospitalisés après la seconde guerre du Haut-Karabagh en 2020, au cours de laquelle près de 4 000 soldats arméniens ont perdu la vie. Le chirurgien franco-arménien Levon Khachaturian, soutenu par ses collègues français, a cherché à donner voix à ces rescapés arméniens en utilisant la vidéo documentaire.

"Le Bouclier Blanc", réalisé par Nare Tadevosyan, suit une équipe française de chirurgiens traumatologues et spécialistes de la chirurgie reconstructive. Ils interviennent dans les hôpitaux militaires d'Erevan pour traiter les grands brûlés et les blessures corporelles graves causées par balles, plomb, ou fragments métalliques provenant d'engins explosifs, mais aussi le phosphore blanc. Les images révèlent une réalité crue où le spectateur se confronte avec malaise aux corps brûlés et déchiquetés.

Selon Levon Khachaturian, ces expériences de soins, tant individuelles que collectives, ne peuvent pas demeurer invisibles et nécessitent d'être documentées pour les générations futures. « Les expériences vécues lors de la prise en charge des blessures de guerre sont souvent des moments historiques importants pour préserver la mémoire collective de notre peuple », poursuit le chirugien.

Pour Nare Tadevosyanla réalisatrice, le but est double : sensibiliser le grand public français aux impacts sanitaires post-guerre sur les soldats blessés, tout en incitant certains responsables à réévaluer leurs politiques humanitaires en conséquence. Les rapports médicaux détaillant les blessures balistiques et les brûlures causées par le phosphore sont autant d'éléments susceptibles de constituer des preuves dans le cadre de poursuites judiciaires engagées contre l'Azerbaïdjan pour crimes contre l'humanité.

L'association franco-arménienne "Lumière Française" est intervenue en Arménie et au Kharabagh, dès les premières heures de la guerre. Elle poursuit, sans relâche depuis et sur le terrain, sa coopération médicale post-conflit, de soins, de formation et de sensibilisation. La "lumière" de son patronyme symbolise le transfert des connaissances médicales de la France vers l'Arménie, comme un moyen d'enrichir les compétences les compétences locales dans un domaine aussi critique que celui des interventions chirurgicales en temps de guerre. L'association est soutenue par l'Assistance Publique – Hôpitaux de Paris qui participe activement aux discussions sur la recherche, les interventions et les ressources humaines.

Toutes ces précieuses actions permettent de continuer à fournir un accompagnement clinique dans les hôpitaux militaires et d'approfondir les connaissances sur la pathophysiologie des brûlures chimiques provoquées par le phosphore. Dans un pays où les conflits peuvent reprendre à tout moment, les missions de santé ont bien conscience de la nécessité de continuité et de pérennité de leurs missions médicale mais aussi psychologique. Ces conflits armés ont laissé des séquelles invisibles aux victimes de la guerre de 2020 et de l'exode de la population du Karabakh en 2023, bien au-delà des blessures physiques, se manifestant par de frequents troubles de stress post-traumatique, de crises d'anxiété et d'épisodes dépressifs. En réponse à tous ces besoins, l'association "Lumière Française" a établi un centre de soutien psychologique à Gyumri pour aider la population du Haut-Karabakh après sa déportation.

La projection du "Bouclier Blanc" a permis aux spectateurs de se réunir et de réfléchir collectivement sur leurs expériences personnelles de résilience, transformant ainsi l'événement en une occasion de catharsis collective.