Volée de bois vert de Bakou pour Paris

Région
21.06.2024

La signature du contrat pour la livraison de canons Caesar à l'Arménie par la France a énervé Bakou.

Par Olivier Merlet

 

36 ! Ce serait donc le nombre de canons Caesar commandés en France par l'Arménie. Le chiffre a été annoncé au lendemain de la signature du contrat par un Tweet du rédacteur en chef-adjoint du Figaro-Magazine Jean-Christophe Buisson.

Peu importe leur nombre, pour Bakou, puisqu'il n'était pas encore communiqué lorsque les autorités azerbaïdjanaises ont tiré leurs premières salves de reproches et de mots assassins.À l'intention de la France, principalement. Zakir Hassanov, le ministre de la Défense a été le premier à ouvrir le feu. « Le régime Macron, qui poursuit une politique de militarisation et d'intrigues géopolitiques dans la région du Caucase du Sud, est un obstacle à la normalisation des relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et à la garantie d'une paix durable dans la région ».

Rappelant qu'à l'automne dernier, Sébastien Lecornu, le ministre français des armées avait affirmé ne fournir d'autres matériels à l'Arménie que défensif, Zakir Hassanov a estimé comme « une autre manifestation de l'hypocrisie des dirigeants français » le fait d'équiper l'Arménie d'armes létales. Quant aux dirigeants arméniens, « qui poursuivent une politique revancharde, ils porteront, avec la dictature de Macron, l'entière responsabilité de l'aggravation de la situation dans le Caucase du Sud et de l'émergence d'un nouveau foyer de guerre ».

Plus policé, mais néanmoins courroucé, l’assistant d’Ilham Aliyev, Hikmet Hajiyev, a vu, lui, dans cette vente d’armes à l’Arménie par la France, « un coup dur » pour le processus de normalisation entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. « La fourniture d’armes meurtrières à l’Arménie suscite de sérieuses inquiétude et agira comme un stimulant pour les forces revanchardes opérant en Arménie. En tant que membre du Conseil de sécurité de l'ONU, la France doit mener une politique responsable ».

Dans la foulée de Bakou, Moscou a également fait part de ses vives critiques à l’égard de Paris. « Les dirigeants français ne sont pas guidés par les intérêts de l’Arménie ou de toute autre nation prise séparément. Paris tente d’utiliser les différences et les contradictions entre les États exclusivement pour ses propres intérêts européens » a déclaré Maria Zakharova, porte parole du ministère russe des Affaires étrangères.

Si Paris n’a pas répondu aux accusations de Bakou, Erevan n’a pas manqué de rappeler, en revanche, le droit souverain et légitime de l’Arménie à se défendre et de s’assurer les moyens de le faire. Se défendant de toute revendication territoriale a l’égard de l’Azerbaïdjan, les autorités ont affirmé n’avoir « aucune ambition au-delà du territoire internationalement reconnu de 29 743 kilomètres carrés [..] La République d’Arménie a concrètement prouvé cette approche en délimitant quatre villages dans la région de Tavush de la République d’Arménie et dans la région kazakhe de la République d’Azerbaïdjan. Nous appelons l’Azerbaïdjan à mettre fin à l’occupation de zones vitales de plus de 30 villages de la République d’Arménie ».

Le ministère des Affaires étrangères a par ailleurs fait remarquer que toute occasion était bonne pour l’Azerbaïdjan de prédire une escalade militaire. « Cela vient confirmer certaines analyses estimant que Bakou fera tout son possible pour faire échouer la signature d’un accord de paix avec l’Arménie en 2024 et lancer une nouvelle agression contre la République d’Arménie après le sommet de la COP29 à Bakou ». Le ministère des Affaires étrangères a également noté que l’offre officielle d’Erevan de signer un accord de paix dans un délai d’un mois n’avait pas été répondue .

Quoi qu’il en soit de toutes ces passes d’armes verbales, sur le terrain, les 36 canons français Caesar ne constitueront guère de grandes menaces vis a vis de l’Azerbaïdjan et ne modifieront pas, de toutes façons, l'équilibre -le déséquilibre ! - des forces armées dans la région.