Depuis le 27 septembre 2020, une nouvelle guerre a éclaté au Caucase du Sud, finement préparée par l'Azerbaïdjan et la Turquie contre la population arménienne d’Artsakh (Haut-Karabagh). Sous couvert de revendication d'un territoire, l'Azerbaïdjan bombarde impunément les villes et le patrimoine culturel de la région d’Artsakh, en utilisant des armes à sous munitions, interdites par le droit international en raison même de leur danger pour les populations civiles. L'Azerbaïdjan, avec l'aide de la Turquie, fidèles alliés dans la haine contre les Arméniens, s'attaquent directement à la population civile de la région, où "les bombardements tombent comme la grêle."
La République d'Arménie endosse aujourd'hui le rôle de terre refuge pour les Arméniens d'Artsakh, forcés de quitter leurs terres.
Par Agnès Ohanian
Dès les premiers jours de la guerre déclenchée par l'Azerbaïdjan au Haut-Karabagh, Sevana, musicienne et éducatrice au Nexus Center for the Arts à Erevan, a lancé un appel aux artistes, musiciens et bénévoles afin de proposer des ateliers de musique, d'arts plastiques, de danse aux enfants d'Artsakh réfugiés en Arménie. Les ateliers de musique de Sevana et Gor sont un exemple parmi nombre d'autres de cette solidarité, face à l'indifférence du monde et à la menace turco-azerbaïdjanaise.
Munis de quelques instruments de musique, tambourins, maracas et bidons en plastique métamorphosés en percussions, les groupes de musiciens se rendent chaque jour dans les hôtels et centre d'hébergements où sont logées les familles, à Erevan mais aussi dans les régions d'Arménie. Accompagnés par Gor à la guitare électrique, guidés par Sevana, les enfants, réunis par groupe de dix à quinze, apprennent les bases de la musique. À partir de peu ils parviennent à faire beaucoup : apprendre des rythmes, chanter ensemble des chants traditionnels arméniens, composer ensemble des morceaux et même les enregistrer.
« Chez nous, il n'y a que de l'amour. Nous sommes avant tout des humains, c'est important de le rappeler en temps de guerre, car la guerre déshumanise. On oublie qu'il s'agit d'humains. Pourtant, le soldat est un humain, il a une famille, des enfants. », dit Sevana.
Gor ajoute : « Aujourd'hui, nous sommes tous des soldats, chacun à sa manière, chacun puisant dans ce qu'il fait de mieux, nous c'est la musique, vous c'est l'écriture, un autre la vidéo, un autre encore autre chose... Et en apportant chacun sa contribution, nous finirons par remporter cette guerre, c'est sûr.»
Parmi les enfants et adolescents, certains jouaient déjà d'un instrument ou avaient déjà une formation musicale. Le Nexus Center for the Arts les aide également à trouver un instrument, un professeur, afin que leur formation ne soit pas interrompue à cause la guerre, et que la musique continue malgré tout. Comme le rappelle Sevana : « Nous ne sommes pas des travailleurs sociaux, nous sommes des musiciens. Notre but est de jouer de la musique, de faire en sorte qu'ils prennent du plaisir à jouer de la musique ensemble. Et pour nous, en tant que musiciens, c'est toujours agréable de rencontrer d'autres musiciens et de jouer ensemble. »
« Tout s'est fait spontanément, et à chaque atelier, à chaque rencontre avec les enfants, nous développons de nouvelles idées. Cette situation est inédite pour nous tous, nous ne savons pas vraiment où nous mène ce projet, ni combien de temps va durer la guerre, mais nous essayons à chaque fois d'améliorer les ateliers, d'ajouter des chansons et des activités pour que les enfants prennent plaisir à jouer de la musique. », confie Gor.
Grâce aux dons d'une fondation arménienne aux États-Unis, des cours de musique et d'arts plastiques auront lieu chaque jour au Nexus Center for the Arts, le tout gratuitement avec prise en charge du transport pour les enfants. Les deux musiciens insistent sur l'importante solidarité à Erevan, mais aussi dans la diaspora. Comme le rappelle Gor, « les Arméniens savent être unis et soudés face aux épreuves difficiles, et cette guerre ne fait pas exception. ». Sevana confie même avoir reçu des demandes de personnes turques résidant en Turquie, souhaitant les aider mais étant dans l'impossibilité de le faire face à la répression du régime dictatorial d'Erdogan... Certains auraient même pris le risque d'envoyer un peu d'argent, par un savant détour via un compte en banque à l'étranger... « Aujourd'hui, c'est dangereux pour un Turc d'envoyer de l'argent sur un compte bancaire arménien ! », dit Sevana. Comme beaucoup d'Arméniens, la jeune femme est profondément convaincue que parmi les populations turques et azerbaïdjanaises, beaucoup sont contre cette guerre.