Avec deux métiers aux antipodes l’un de l’autre, Nane Avetisyan, Miss Univers Arménie, est aussi engagée volontaire pour défendre sa patrie
Par Allan Branger
« J’ai appris à me servir d'une arme avec l’espoir de ne jamais avoir à le faire, mais s’il le faut, je serai prête ! ». Nane Avetisyan, jeune femme bien connue de tous les Arméniens puisque sa beauté exceptionnelle lui a valu d'avoir été couronnée Miss Univers Arménie en 2021. En septembre 2022, choquée, comme tous ses compatriotes, par l'agression azerbaïdjanaise et les bombardements sur une trentaine de localités, Nane a décidé, d'intégrer Voma, l'association de défense paramilitaire ouverte aux civils arméniens. « En Arménie, chaque seconde est un danger. Le pire peut surgir de n'importe où et c’est la raison pour laquelle j’essaye de rester réaliste », affirme la nouvelle recrue avant de continuer, « je sais qu'à tout moment, notre quotidien peut être complètement chamboulé. Alors mieux vaut que je sois préparée, plutôt que je ne meurs sans avoir été utile ».
Originaire d’Erevan, Nane est huitième d’une famille de dix enfants. Son père lui a transmis une éducation plutôt stricte et traditionnelle. Il lui a aussi appris à manipuler les armes, dès son plus jeune âge. On pourrait presque dire qu'une part de son avenir était déjà tout tracée.
“A lion is a lion”
Lorsqu'elle a annoncé à son entourage sa volonté de s’engager dans ce groupe paramilitaire, les réactions ont été mitigées « mon père était fiere de moi et même agréablement surpris de voir sa fille vouloir défendre sa patrie. Quant à ma mère, c’était une autre histoire. Elle n’a pas tout de suite bien compris mon choix, elle avait peur et elle me disait que ce n’était pas un métier de femmes. Elle a tout de même fini par accepter ma décision ». Les stéréotypes ont la vie dure qui veulent que la femme Arménienne soit uniquement douce et attentionnée.
Pour Miss univers, les femmes sont aussi importantes que les hommes dans ce contexte de guerre imminente auquel l’Arménie fait face depuis des mois. Fière et confiante, Nane aime à rappeler cette image : « Une expression est souvent utilisée en Arménie : “A lion is a lion”: Peu importe qu’il soit mâle ou femelle, le lion reste un lion. J'aime faire ce parallèle avec les Arméniens : hommes ou femmes, nous nous battons tous unis sous le même drapeau et pour défendre la même chose : notre pays ».
Montrer l’exemple
Nane évoque ses premiers jours dans le groupe, enfin plutôt ses premiers pas.
« Je me souviens de l’un de nos premiers exercices en tant que soldates. Tous les hommes étaient allongés par terre et les femmes devaient marcher sur eux. Alors imaginez quand mon tour est arrivé, tous les militaires m'interpellaient : "ça fait quoi de faire son premier défilé sur des hommes ? Bravo Miss Univers ! ", c’était assez drôle comme situation » raconte-t-elle en riant.
Pour la jeune arménienne suivie par plus de vingt-cinq mille abonnés sur les réseaux sociaux, une nouvelle routine complètement inédite s'est peu a peu imposée. Habituée à se maquiller et à prendre soin de sa peau quotidiennement, Nane s’est retrouvée du jour au lendemain à mener des exercices militaires dans le froid glacial des montagnes arméniennes, soumise aux rations de campagne et sans parfois même pouvoir se laver plusieurs jours d'affilé. Elle passe aujourd'hui sans que cela ne la dérange, des shootings photos au stand de tir, un mystère pour bon nombre de ses "followers" : « Ils n'arrivent pas à concevoir qu'une Miss Univers puisse savoir utiliser une arme, tirer et voire même tuer. Ils ne comprennent pas pourquoi je souhaite être un soldat. »
En prononçant ces mots d’un regard grave, Nane Avetisyan affirme « quand vous aimez quelque chose, l’Arménie, vous voulez le défendre, et c’est ce que je veux faire. Je ne veux pas seulement être Miss Univers ». Sur les réseaux sociaux, elle partage souvent ses expériences personnelles afin d’encourager les jeunes filles qui veulent, comme elle, choisir leur propre avenir tout en sortant des stéréotypes.