Pezeshkian président, la continuité dans le changement de la politique étrangère iranienne

Région
08.07.2024

Si la victoire du réformateur Massoud Pezeshkian aux élections présidentielles iraniennes laisse entrevoir la possibilité d'un rapprochement avec l'Occident, elle ne devrait pas non plus remettre en cause le précieux partenariat que l'Arménie entretient avec Téhéran.

Par Olivier Merlet

 

La victoire éclatante du candidat réformateur aux élections présidentielles iraniennes (53,7% des suffrages) reflète avant tout le profond mécontentement populaire à l'égard de la politique suivie par le pays ces dernières années (plus d'un million de votes nuls ont été comptabilisés) et ouvre peut-être de nouvelles voies de rapprochement avec l'Occident.

Ancien chirurgien cardiaque âgé de 69 ans, Massoud Pezeshkian a été ministre de la santé sous le deuxième mandat de l’ancien président réformateur, Mohammad Khatami, entre 2001 et 2005. Durant sa campagne, le candidat a plaidé pour la révocation de la police des mœurs, chargée notamment de faire respecter l’obligation faite aux femmes de porter le voile dans la rue, et pour la levée des restrictions sur l'internet, bien qu'allègrement contournées via les connexions VPN. Il aaussi promis d'être « la voix des sans-voix », affirmant que « les manifestations ne devaient pas être réprimées par la matraque de la police ».

Alors que le premier tour des élections avait été marqué par une abstention record de plus de 60% le 28 juin, les résultats mettant en tête le candidat réformateur ont poussé les électeurs à se mobiliser pour le second tour. En fin de journée vendredi, une soudaine augmentation des votes tardifs a d'ailleurs fait craindre une éventuelle manipulation des résultats par le régime. Pourtant, dès la fin de journée samedi, les chaînes d'information gouvernementales annonçaient la victoire de Massoud Pezeshkian avant même que le siège de la commission électorale ne la reconnaisse officiellement.

Ses partisans en liesse ont immédiatement envahi les rues de Téhéran pour appeler à la libération des prisonniers politiques, symbole des demandes refoulées que le nouvel élu pourrait avoir du mal à satisfaire. Il a ainsi déclaré : « le chemin difficile qui nous attend ne sera pas sans heurt, à moins que nous ne puissions compter sur votre soutien, votre empathie et votre confiance […] Nous tendrons la main de l’amitié à tout le monde, nous sommes tous des habitants de ce pays, nous devrions utiliser tout le monde pour le progrès du pays ».

Les pouvoirs réels du président iranien dans le domaine de la politique étrangère semblent toutefois très limités, l'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême de la Révolution, en garde toutes les prérogatives. Pour parvenir à ses fins, Massoud Pezeshkian compte sur le soutien d'un ancien ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif, négociateur en 2015 de l'accord nucléaire qui avait conduit à une levée des sanctions contre le régime iranien, avant que Donald Trump ne le déchire trois ans plus tard. « L'Iran s'est retrouvé dans une cage économique en raison de sa politique étrangère et doit se montrer plus coopératif pour voir si les sanctions peuvent être levées », a récemment déclaré Javad Zarif.

Vu d'Arménie, les médias n'ont pas manqué de relever les origines du nouveau président iranien. Bien que les consonances de son patronyme pourraient laisser croire à de lointaines origines arméniennes, il n'en est rien, Massoud Pezeshkian, le nouveau président iranien est né à Mahabad, en Azerbaïdjan iranien, de père iranien azerbaïdjanais et d'une mère iranienne kurde. « Massoud Pezeshkian est originaire de la partie turcophone de l'Atropatène, mais le chef spirituel iranien est également originaire de cette région », rappelle Garik Misakyan, intervenant à la chaire des Études iraniennes de l'Université d'État à Erevan. « Compte tenu de la nature de la politique étrangère de l'Iran, les décisions étant principalement prises par le guide suprême, le lieu de naissance du nouveau président n'a pas beaucoup d'importance. Si des personnalités pro-azerbaïdjanaises obtiennent des postes, cela pourrait avoir une certaine influence », ajoute-t-il, « mais il n'est pas question de candidats à des postes ministériels clés ou à d'autres postes élevés. Les candidats doivent être approuvés par le parlement iranien ».

Mehdi Sobhani, l'ambassadeur d'Iran en Arménie confirmait également vendredi : « la politique de l'Iran à l'égard de l'Arménie est une politique fondée sur des principes. Ils ne varient pas en fonction du changement de gouvernement. Tous les candidats à la présidence ont insisté sur leur volonté de développer les relations avec les pays voisins, y compris l'Arménie. Notre politique est de développer et d'étendre notre coopération, notre interaction avec nos voisins, y compris l'Arménie ».