Alors que les diplomaties européenne et américaine cherchent à ménager la chèvre et le chou avant la rencontre Pashinyan – Blinken – Von der Leyen à Bruxelles ce vendredi, l'ancien patron de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, met en garde l'Europe contre une absence de choix clair en faveur de l'Arménie.
Par Olivier Merlet
Apres que Bakou, Moscou et Ankara (et Téhéran, dans une moindre mesure) aient dénoncé à l'unisson « l'approche partiale » de la réunion de Bruxelles et crié au "deux poids deux mesures", les chefs des diplomaties européenne et américaine n'ont eu de cesse de rassurer Bakou sur leurs intentions jusqu’à appeler personnellement le président Aliyev avant qu'ils ne s'entretiennent avec Nikol Pashinyan.
Dans une tribune parue au Monde le 4 avril et dont nous présentons un extrait sous ces lignes, Anders Fogh Rasmussen, l'ancien secrétaire général de l’OTAN appelle au contraire l'Europe à appeler un chat un chat, à reconnaitre ceux qui partagent réellement ses valeurs et mener en faveur de l'Arménie « une stratégie plus ambitieuse » et « une position plus claire » dont l'absence pourrait constituer une menace contre l'Arménie et la sécurité régionale.
« Alors que les regards se portent sur la guerre illégale de la Russie en Ukraine, nous assistons à un autre tournant géopolitique majeur en Europe, cette fois dans le Caucase du Sud. Malgré une dépendance économique, énergétique et militaire historique à l’égard de la Russie, avec la présence de milliers de soldats russes sur son sol, le gouvernement arménien a mis en œuvre des réformes audacieuses pour consolider sa démocratie et nouer des relations plus étroites avec l’Occident.
Bien que cette réorientation fondamentale demande du temps, elle exige de l’Union européenne d’adopter une stratégie plus ambitieuse. Cela doit commencer par un dépassement de la logique d’équidistance entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. L’Europe a tout intérêt à jouer le rôle de médiateur dans les négociations vers un accord de paix. Mais elle doit adapter son approche globale à une réalité éminemment géopolitique : l’Arménie a choisi la communauté des démocraties européennes, alors que l’Azerbaïdjan s’affirme dans le camp des autocraties agressives. À défaut d’une position plus claire, l’Europe pourrait mettre en danger la jeune démocratie arménienne ainsi que le maintien de la paix dans son proche voisinage.
Un premier pas doit être fait dès le sommet trilatéral du 5 avril à Bruxelles, lors duquel la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, accueillera le premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, et le secrétaire d’État américain, Antony Blinken. L’Arménie a déjà gelé ses relations avec l’Organisation du traité de sécurité collective dirigée par la Russie, organisé des exercices militaires avec les Etats-Unis et cherché à étendre ses liens économiques avec les puissances démocratiques. Cependant, à la suite de l’attaque de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh en 2023 et de l’occupation continue de hauteurs stratégiques en Arménie par les forces azéries, la situation sécuritaire de l’Arménie demeure fragile ».